La Vierge des tueurs : L’amour à mort
À 60 ans, et après un détour vers Hollywood (Reversal of Fortune, Single White Female), Barbet Schroeder est toujours un aventurier du cinéma.
À 60 ans, et après un détour vers Hollywood (Reversal of Fortune, Single White Female), Barbet Schroeder est toujours un aventurier du cinéma. Il suffit de se souvenir qu’il fut le premier producteur de Rohmer, et qu’il est le réalisateur de More, de La Vallée, de Maîtresse, de Barfly, pour se rendre compte que La Vierge des tueurs est tout à fait dans ses cordes.
Né à Téhéran, Schroeder a passé son enfance en Colombie, à Medellin. C’est là qu’il est retourné pour filmer cette adaptation du livre de Fernando Vallejo, qui démarre sur la rencontre improbable entre un écrivain quinquagénaire (Germàn Jaramillo), revenu de tout, et un jeune voyou (Anderson Ballesteros), qui tire comme il respire. Ce qui ne devait être qu’une baise rapide se transforme en une histoire d’amour comme on n’y croit plus, dans cette ville folle de violence, empoisonnée par des années de guerre civile et le trafic de la coke. Entre le vieil athée, misanthrope sans illusions, mais s’accrochant à ses principes, et l’ange exterminateur, beau gosse, qui, dixit son amant-mentor, "ne fait pas la différence entre la pensée et l’action", le courant passe, et c’est une des plus belles réussites de ce film que de rendre palpable la tendresse entre les deux hommes, et de nourrir cet élan de vie, là où la mort fait le trottoir. Tout ça finira, évidemment, très mal…
On ne filme pas impunément des scènes de tueries dans les rues de Medellin. Tourné en numérique, pour la légèreté, la rapidité, et à la sauvette, pour sauver sa peau, La Vierge des tueurs bénéficie pourtant d’un récit très structuré, exposé implacable qui a l’urgence d’un reportage et la rigueur d’un cinéaste chevronné, coutumier des va-et-vient entre réalité et fiction. Ici, hormis quelques scènes oniriques, qui doivent autant au réalisme magique sud-américain qu’au cinéma des années 70 de Russell ou Herzog, le ton est définitivement au cinéma-vérité, au point que le jeune Ballesteros était recherché pour meurtre, lors du tournage!
Regard lucide sur une tragédie moderne, qui se déroule quotidiennement à nos portes, dans une conspiration collective du silence, La Vierge des tueurs rend compte d’une situation au-delà de la raison, mouvement destructeur et perpétuel où la vengeance engendre la vengeance. Est-ce ainsi que les hommes vivent? Hélas, oui.
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