The Road Home : Le messager
Tous ceux qui s’étaient forgé une idée précise des films de Zhang Yimou devraient vivement reconfigurer leurs attentes. Il est maintenant clair que celui qui nous avait habitué, à une esthétique fouillée et à une mise en scène riche et charpentée semble résolument décidé à jouer dans d’autres camps.
Tous ceux qui s’étaient forgé une idée précise des films de Zhang Yimou devraient vivement reconfigurer leurs attentes. Il est maintenant clair que celui qui nous avait habitués à une esthétique fouillée et à une mise en scène riche et charpentée semble résolument décidé à jouer dans d’autres camps. D’ailleurs, l’absence remarquée de Gong Li dans ses deux derniers films est clairement le signe d’un virage. Alors que l’on était resté sur des impressions scintillantes et pétaradantes avec La Triade de Shanghai (1995), il nous est revenu il y a deux ans avec Pas un de moins, une fable d’une simplicité confondante qui emprunte au cinéma iranien son caractère naïf.
Animé par le même désir de simplicité, The Road Home s’inscrit dans une lignée similaire. Il faut savoir que ces dernières années, Zhang Yimou a multiplié les sorties publiques où il condamne l’hégémonie d’un certain cinéma commercial (autant américain que local) sur le marché chinois. En cavalier plutôt solitaire, il se bat pour la survie d’un cinéma national et tend ostensiblement vers le modèle du cinéma iranien. Voilà comment le réalisateur de Ju Dou, Épouses et Concubines et Vivre en est venu à affectionner les histoires simples. Et il faut lui concéder que cette deuxième tentative est déjà plus prometteuse. Dans un style infiniment dépouillé, il propose sans prétention les balbutiements émouvants d’un amour inconditionnel.
À voir le noir et blanc encrassé sur lequel s’ouvre et se ferme le film, on imagine le sentiment peu enjoué qu’inspire la réalité des temps modernes au cinéaste. Un sombre constat du déliement social qu’un épilogue viendra toutefois renverser dans un superbe élan de solidarité et de reconnaissance. Ces tractations d’amorce et de fin de récit, qui constituent à l’époque actuelle, constituent les préparatifs des funérailles (autre signe d’une époque funeste) de Luo Changyu, l’instituteur du village. Devant l’acharnement de la veuve à vouloir tenir une cérémonie traditionnelle (signifiant le transport de la dépouille à dos d’homme de la morgue, en ville, jusqu’au village), Luo Yusheng (Sun Honghei), leur fils unique, finira par abdiquer. Dans son effort pour comprendre le lien qui a uni ses parents, Yusheng se fera le narrateur de leur rencontre dans un passé qui justifie ici l’usage de la pellicule couleur: à l’époque de la révolution culturelle (à peine suggérée), Zhao Di (Zhang Ziyi, avant son triomphe en princesse-guerrière dans Tigre et Dragon) tombe en pâmoison devant la nouvelle recrue (Zheng Hao) de l’école à peine en construction. De stratagèmes en cafouillages maladroits, elle finira par gagner son estime.
Ce qui charme dans The Road Home, c’est la naïveté des intentions des protagonistes qui nourrit une histoire presque en apesanteur, où les regards fugitifs et les sourires complices tiennent valeur d’intrigue. La narration a ici quelque chose d’un conte d’obsession et d’adoration, tant le point de vue subjectif de la jeune fille s’attarde à magnifier les gestes significatifs et à guetter l’ultime promesse. Bien dommage qu’une trame sonore (calquée sur le thème musical de Titanic!) vienne engluer le récit.
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