Sous le sable : Vague de fond
Cinéma

Sous le sable : Vague de fond

Tournant plus vite que son ombre, François Ozon s’est rapidement bâti une réputation de jeune cinéaste brillant, porté sur la satire, le second degré et le symbolisme. Rien dans ses films précédents – Sitcom (pochade bunuélienne), Les Amants criminels (drame sombre) et Gouttes d’eau sur pierres brûlantes (d’après une pièce de Fassbinder) – ne pouvait laisser présager la mélancolie poignante qu’on retrouve dans ce quatrième long métrage, à ce jour le plus réussi du cinéaste de 33 ans.

Tournant plus vite que son ombre, François Ozon s’est rapidement bâti une réputation de jeune cinéaste brillant, porté sur la satire, le second degré et le symbolisme. Rien dans ses films précédents – Sitcom (pochade bunuélienne), Les Amants criminels (drame sombre) et Gouttes d’eau sur pierres brûlantes (d’après une pièce de Fassbinder) – ne pouvait laisser présager la mélancolie poignante qu’on retrouve dans ce quatrième long métrage, à ce jour le plus réussi du cinéaste de 33 ans.

Mariés depuis longtemps, et sans enfants, Marie (Charlotte Rampling) et Jean (Bruno Crémer) partent, comme chaque été, pour leur maison de vacances, sur la côte atlantique. Univers feutré, vie tranquille et complicité que l’on sent acquise après bien des batailles: tout ça s’écroule lorsque Jean ne revient pas d’une baignade en mer. Marie alerte la police, refuse d’envisager le pire, et attend. De retour à Paris, avec les jours, les semaines, puis les mois qui filent, elle passe de l’inquiétude à l’incrédulité, de la révolte à une apparente résignation, refusant, malgré une liaison avec un éditeur (Jacques Nolot), d’accepter l’idée de l’éventuelle mort de son mari.

Après avoir incarné une femme trompée dans Signs and Wonders, Charlotte Rampling donne à cette Pénélope des temps modernes, ni veuve joyeuse, ni veuve éplorée, une prestance et un mystère qui évoquent ceux de ses meilleurs rôles des années 70. Le retour d’une actrice qui, depuis trop longtemps, se faisait rare au grand écran. On retrouve également deux autres acteurs ayant marqué cette décade cinématographiquement prodigieuse: Bruno Cremer (vu, pour la dernière fois, dans Noce blanche) et Alexandra Stewart (La Nuit américaine, In Praise of Older Women), dans le rôle de la meilleure amie de Marie. Ce n’est pas un hasard si ce trio d’acteurs partage l’affiche de Sous le sable. En effet, ce film intemporel est aussi un hommage à cette période du cinéma français. En porte-à-faux avec son époque, Sous le sable possède une simplicité de ton qui a l’évidence de la clarté, une placidité qui n’a rien à voir avec la lenteur, un raffinement qui n’est pas de l’esthétisme, une mise en scène dénuée d’effets; des qualités qui font songer au cinéma de Sautet, de Chabrol, de Deville ou de Jacques Deray.

Magnifiquement écrit, le scénario d’Ozon conjugue un très beau portrait de femme de 50 ans (pas fréquent, de nos jours…), un suspense léger mais soutenu (Jean est-il mort? Se cache-t-il? Et si c’est le cas, pourquoi?), et une étude fine sur le deuil et la perte. Discrète et précise, l’impeccable réalisation d’Ozon fait écho à l’état entre deux eaux dans lequel se trouve plongée son héroïne, et évoque subtilement la superposition d’hyperréalisme et d’onirisme des films de Buñuel.

S’il était un instrument de musique, ce film-ci serait un violoncelle: même langueur inquiétante, même nostalgie prenante. Sans tambour ni trompette, Sous le sable s’impose calmement, laisse sa marque en profondeur, et témoigne d’une maturité surprenante chez un cinéaste si jeune.

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