Sexy Beast : Une place au soleil
Cinéma

Sexy Beast : Une place au soleil

Un corps qui rôtit au soleil, bien gras, avec bijoux en or et cheveux décolorés. Le type est ridicule avec son petit ventilateur; il se parle tout seul dans un anglais des faubourgs, se lève péniblement pour chercher ses savates. Et, juste à ce moment-là, un énorme rocher s’écrase dans sa piscine, le frôlant d’un cheveu. L’individu est trempé, mais il ne bouge pas. Une intro comme on les aime, un rien clip, un peu dingue, et qui positionne à la fois un personnage, un style d’écriture, un look, un humour dangereux.

Un corps qui rôtit au soleil, bien gras, avec bijoux en or et cheveux décolorés. Le type est ridicule avec son petit ventilateur; il se parle tout seul dans un anglais des faubourgs, se lève péniblement pour chercher ses savates. Et, juste à ce moment-là, un énorme rocher s’écrase dans sa piscine, le frôlant d’un cheveu. L’individu est trempé, mais il ne bouge pas. Une intro comme on les aime, un rien clip, un peu dingue, et qui positionne à la fois un personnage, un style d’écriture, un look, un humour dangereux. Une entrée à l’image du film. Le Britannique Jonathan Glazer est connu pour avoir fait les clips de Radiohead, Massive Attack et Blur. De loin, on attendait avec impatience Sexy Beast, son premier long métrage.

C’est un genre. Il faut aimer le thriller quand il devient sanglant, l’humour qui tourne au noir, et la comédie très acide. C’est aigu, tranchant et férocement drôle: The Ipcress File dans un dérivé comique de Reservoir Dogs, avec un duo de choc qui ressemblerait à celui de The Limey de Soderbergh… Don Logan (Ben Kingsley) est un malfrat londonien complètement fou qui vient chercher un ancien collègue pour monter un dernier coup. Mais Gal (Ray Winston) est heureux sur la Côte espagnole, dans sa superbe hacienda, avec sa femme, une ex-star du porno (Amanda Redman), et ses copains. Logan va semer la terreur. Au jeu des préférences, on ne sait que choisir: le jeu démoniaque de Kingsley, génial en psychopathe nerveux et incontrôlable; ou celui de Winston (Nil by Mouth), vraiment un des meilleurs acteurs qui soient, incarnant à la perfection un retraité qui ne dort que d’un oeil? Les cadrages à la David Hockney, ou un scénario dont on ne sait jamais s’il va nous tirer vers le drôle ou le terrible? On aime aussi le rythme, qui accélère aux bons moments, mais qui sait prendre son temps pour laisser place aux montées d’angoisse (scène de restaurant où Winston apprend que Logan débarque) et aux cauchemars (ce monstrueux lapin, bête noire du gangster sur le retour). Musique rock et Dean Martin, parfaits seconds rôles (dont Ian McShane) et dialogues déjantés (peu clairs parfois, il faudrait un lexique pour l’argot british): tout a sa place, tout rentre dans ce film aussi cool que coupant, aussi tendance que maîtrisé. Si Guy Ritchie semble s’engluer (le branchouillé tachycardiaque de Snatch), il se pourrait que Glazer ait plus de densité. Souhaitons un talent à courant continu.

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