Focus : L'étranger
Cinéma

Focus : L’étranger

Adaptation du controversé roman d’Arthur Miller, Focus, de Neal Slavin, est une fable sur l’intolérance aux allures de film noir, laquelle, à la lumière des récents événements, demeure d’actualité. En 1945, alors âgé de 30 ans, Miller, qui allait devenir le critique de la société américaine, avait voulu avec cette première oeuvre dénoncer l’antisémitisme des années 30.

Adaptation du controversé roman d’Arthur Miller, Focus, de Neal Slavin, est une fable sur l’intolérance aux allures de film noir, laquelle, à la lumière des récents événements, est tout à fait d’actualité. En 1945, alors âgé de 30 ans, Miller, qui allait devenir le critique de la société américaine, avait voulu avec cette première oeuvre dénoncer l’antisémitisme des années 30.

Lawrence Newman (William H. Macy) est un homme sans histoire. Du moins, jusqu’au jour où il se procure une paire de lunettes. Dès cet instant, on lui signifie qu’il ne peut plus occuper ses fonctions, sous prétexte que son image ne correspond plus à celle de la compagnie. Outré, Newman remet sa démission, puis constate qu’aucun employeur ne veut de ses services. Il décroche finalement un boulot grâce à Gertrude Hart (Laura Dern), dont il avait rejeté la demande d’emploi sur les ordres de son patron. Lorsque Newman épouse la jeune femme, l’attitude des voisins devient carrément hostile à leur égard. Le modeste employé de bureau réalise alors que son entourage le prend pour un juif.

Avec la bénédiction du dramaturge, Slavin a voulu mettre au goût du jour ce roman méconnu en l’adaptant à la manière d’un thriller. On peut s’étonner tout de même de la facture quelque peu vieillotte qui émane de l’ensemble. Sans parler de la littérarité des dialogues, puisque la plupart des répliques ont été préservées telles quelles par le scénariste Kendrew Lascelles.

Reconnu pour ses photographies de groupe à caractère social, Slavin semble avoir privilégié l’esthétique plutôt que la portée dramatique de l’oeuvre de Miller, que l’on trouve ici plus moraliste que critique. Les personnages sont peu approfondis, chacun représentant une idée: Fred (Meat Loaf Aday) incarne l’antisémitisme du peuple américain; Gertrude symbolise la liberté d’esprit; et Finkelstein (David Paymer), les minorités silencieuses. La rectitude politique est illustrée par ce petit quartier aux maisons de briques rouges identiques, où les hommes arrosent leur terrain à l’unisson. Au coin de la rue, se trouve Finkelstein, le marchand de journaux que l’on veut évincer du quartier à cause de sa religion. Face à sa boutique, une affiche clame fièrement l’American Way of Life… Slavin a créé une atmosphère tendue en multipliant les cadrages serrés, les plongées et contre-plongées illustrant l’impuissance et la solitude du personnage central. Et on sent le climat de paranoïa un rien kafkaïen quand Newman est épié par des voisins anonymes à travers des stores vénitiens. Mais le réalisateur n’est pas toujours très subtil: les images floues et tordues d’un manège, métaphore de l’esprit tourmenté de Newman, sont répétées inutilement.

La grande force de Focus reste l’interprétation. Une fois de plus, William H. Macy est magistral en homme ordinaire, et Laura Dern joue avec sensibilité cette femme vulnérable qui n’accepte plus son sort. Dans un rôle peu bavard, David Paymer s’impose en toute sobriété, et Meat Loaf Aday est très efficace en brute qui juge les autres sans réfléchir.

Malgré son scénario prêchi-prêcha, Focus se révèle un exercice de style fort louable.

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