Harry Potter and the Philosopher's Stone : Séance d'envoûtement
Cinéma

Harry Potter and the Philosopher’s Stone : Séance d’envoûtement

Pour son adaptation cinématographique de l’oeuvre de J.K. ROWLING, CHRIS COLUMBUS privilégie la fidélité, suivant minutieusement la formule ayant fait le succès d’Harry Potter. Et la magie opère toujours.

Qu’est-ce qui est préférable pour l’adaptation d’un livre au cinéma: un réalisateur de talent capable de s’approprier la matière première, ou un tâcheron qui puise tout son talent dans le livre? Dans le meilleur des cas, un réalisateur de génie est capable de moduler son talent en respectant celui de l’écrivain, et de pondre ainsi une oeuvre personnelle tout en restant fidèle à l’écrit. Mais ça ne court pas les rues. Et puis fidèle à quoi? Aux personnages, au récit, à l’ambiance, au style, ou aux impressions qui s’en dégagent? La fidélité est-elle même une nécessité? Dans le cas d’Harry Potter, la pottermania l’exigeait: il fallait que tout soit là. Heureusement, tout y est, ou presque.

J.K. Rowling, la désormais célèbre auteure des histoires d’Harry Potter, a une imagination incroyable. En quatre tomes, elle a déjà convaincu des milliers de lecteurs de la crédibilité de son monde inventé; elle a en banque un microcosme encore plus complet, un bestiaire unique, un langage propre, et un passé détaillé pour chaque personnage. Cette femme est une machine à imaginer; elle pourrait coiffer au poteau un troupeau de rêveurs patentés. En partant, Chris Columbus, réalisateur des Home Alone et de Mrs. Doubtfire, n’avait pas beaucoup de latitude. Il devait suivre, au pied de la lettre, la description très complexe du monde d’Harry. Quatre-vingt-dix millions d’exemplaires vendus dans le monde, des livres traduits en 40 langues dans 140 pays: on ne pouvait pas se tromper et montrer n’importe quoi aux pottermaniaques qui connaissent tous les dédales de Poudlard…

Une chose est sûre: Columbus, avec un budget de 150 millions de dollars, a rempli cette mission. En deux heures et demie, on retrouve les principaux éléments et les clés les plus importantes du premier tome, Harry Potter à l’école des sorciers; il a trouvé les bouilles adéquates pour chaque personnage, et ne s’est pas moqué de l’ampleur de la tâche. Le train étincelant qui apparaît sur la plate-forme 9 et 3/4 devait être à la fois brillant, joyeux et vieillot; il fallait qu’il émerge d’un nuage de vapeur. La boutique du vendeur de baguettes magiques devait être un capharnaüm; et Poudlard, plus impressionnant qu’une cathédrale, qu’un château de conte de fées; Hagrid devait être immense, et la chatte du concierge, aussi dissimulatrice que son maître… Richard Harris est parfait en Albus Dumbledore, tout comme Maggie Smith en professeure McGonagall, et Alan Rickman en professeur Rogue. Daniel Radcliffe passe la rampe en Harry Potter, sourire enfantin très naturel, bien qu’à l’aube de l’adolescence. Quant à ses copains, Hermione (Emma Watson) et Ron (Rupert Grint), ils ont gardé ce ton un peu emprunté et caricatural qu’ils avaient dans le livre. À défaut de la profondeur, tous ont les caractéristiques principales voulues.

Car il a fallu tasser. Deux heures et demie de film, c’est long; mais encore trop court. Et Columbus a touché à tout: le maximum d’éléments narratifs, le maximum de crédibilité dans l’exercice de la magie et le plus possible d’émotions. On pourrait dire de ce film qu’il est une reconstitution tout à fait honnête de l’ambiance très cup of tea et humour vache, et du style en fait très classique de l’écriture de dame Rowling. C’est un film rigoureux, mécanique et sans grandes failles. Mais il parle de magie; et une fois qu’on met la magie en images, elle en perd forcément un peu… Par exemple, la technologie permet des envolées folles dans un match tridimensionnel de quidditch; or, à la lecture, notre imagination volait encore plus vite, et bien plus haut. Et ce sera toujours plus haut! Voldemort avait toutes les caractéristiques de nos pires cauchemars: il est maintenant figé puisqu’il a un visage. La mise en images adoucit également les caractères cruels des Dursley, la monstruosité du troll et la panique que l’on peut avoir dans une forêt interdite. Ce n’est qu’un film, après tout, et il est au top du réalisme imposé par l’imagination de l’écrivain.

Pris seul, sans pottermania environnante, Harry Potter and the Philosopher’s Stone vaut déjà plus qu’un film où le récit est englouti par les effets spéciaux. À côté, The Fantom Menace semble famélique. Ici, on a de la chair autour de l’os. Ceux qui n’ont pas lu le livre peuvent être dûment rassasiés; et ceux qui l’ont lu font les liens, automatiquement. S’il avait fallu aux commandes un réalisateur plus ambitieux, plus impressionniste, un type à la Tim Burton ou à la Jeunet, l’interprétation aurait été plus grande, mais la distorsion artistique n’était pas une option pour les spectateurs de sept ans et plus. Et peut-être pas non plus pour la Warner, ni pour J.K. Rowling. Un peu moins de récit, un peu moins de musique guimauve et de phrases sentencieuses sur l’amitié, un peu plus de liberté et quelques scènes plus finement ciselées n’auraient cependant pas déplu aux plus grands. Reste que le plaisir est réel. C’est un bon film de sorciers pour les Moldus que nous sommes…

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