Festival du film polonais : Trois jours en novembre
Cinéma

Festival du film polonais : Trois jours en novembre

Trois jours en novembre pour s’ouvrir à une autre culture, ce n’est pas si mal. Fort d’une première expérience, l’année dernière, le très jeune Festival du film polonais revient pour clore la saison festivalière de Montréal. Films et  entrevue.

Le Festival du film polonais se fait maintenant sous l’égide de la Corporation Québec-Pologne pour les Arts, un organisme qui réunit les organisateurs du Festival de 2000 dans le but de préparer des événements culturels et de tisser des liens entre les communautés québécoise et polonaise. Trois jours pour prendre le pouls d’une actualité culturelle peu accessible, ça vaut toujours le coup.

On a souvent parlé du cinéma polonais comme d’un cinéma éclos sous la censure, détournant les interdits en construisant un style qui flirtait avec le réalisme symbolique. Aujourd’hui, qu’en dit-on? On ne parle plus tellement de genre (même si l’on y discerne encore la fable, la quête spirituelle et le film issu de la littérature), mais plutôt d’un cinéma qui fonctionne au ralenti (Andrzej Wajda, 70 ans passés, se bat toujours et vient d’ouvrir une école de cinéma), mais qui végète sous les envahisseurs américains. En 1999, Zanussi disait pourtant que les Polonais étaient les champions de l’Europe, car 65 % du produit de la vente des billets étaient attribués à des films polonais. Mais l’engouement est cyclique, et suit de grosses machines; ce fut le cas du Pan Tadeusz de Wajda, et, plus récemment, de Quo Vadis (la plus grosse production cinématographique de l’histoire du cinéma polonais: un film de Jerzy Kawalerowicz sur les écrits d’Henryk Sienkiewicz qui sera présenté à Montréal les 30 novembre, 1er et 2 décembre) qui, depuis septembre, bat tous les records d’assistance en Pologne. Mais à côté de ces bons coups, la proportion des films produits par les États-Unis et diffusés dans les salles polonaises atteint parfois 94 %…

Dans ce qu’il reste de l’identité nationale, la diversité est de mise. En reflet, ces trois journées du film polonais présentent des productions récentes. On retrouve la comédie, souvent difficilement exportable, comme Some Like It Cold, de Tomasz Konecki, où trois jeunes cinéastes essaient de convaincre un producteur de financer leur projet; et Money Isn’t Everything, de Juliusz Machulski, sur les tribulations d’un viticulteur voulant devenir philosophe, et qui se fait kidnapper. Dans le drame à caractère social, la Pologne fait toujours très fort: Bellissima, d’Artur Urbanski et surtout Hi, Tereska, de Robert Glinski, un drame en noir et blanc qui serait un mélange de Rosie et Rosetta. Autant dire que ce n’est pas joyeux. Mais comme souvent dans le combo ado triste-banlieue déprimante-parents déprimés, la grâce émerge du jeu de l’actrice principale. La jeune Aleksandra Gietner, avec ses joues rondes et ses petits yeux obstinés, a la force de supporter un film lourd, dans tous les sens du terme.

On pourra voir également un film d’action, The Last Mission, de Wojciech Wojcik, dans une chasse à l’homme dans Varsovie entre les services du renseignement et un homme d’affaires qui trempe dans des affaires louches; un film d’animation pour petits et grands, Mr Blot’s Triumph, de Krzysztof Gradowski; et un grand classique, qui date de 1965: The Saragossa Manuscript, de Wojciech Has, sur les aventures rocambolesques d’un soldat de l’armée napoléonienne, un film brillant et sexy qui doit certainement figurer dans la vidéothèque idéale de Russ Meyer et de Terry Gilliam…

Enfin, en film d’ouverture, une drôle de production qui aurait voulu être une superproduction, mais qui n’y arrive pas du tout: Edges of the Lord, de Yurek Bogayevicz, avec Haley Joel Osment, en petit juif réfugié à la campagne, et Willem Dafoe, en prêtre. De ce séjour, l’enfant apprend tout, de la trahison au massacre des juifs, de la religion à la sexualité, du sacré au païen, de l’amitié, de l’engagement, de la foi. Bref, le petit fait son chemin de croix (avec toujours cet air étrangement robotique d’A.I.), et nous aussi: un film ennuyeux, mais joliment filmé, qui appuie sur tous les ressorts du mélo.

Au Cinéma Impérial
À la Cinémathèque québécoise
www.polfilmfestival.com


Agnieszka Holland, la Pologne au loin
Le Festival du film polonais rend hommage à cette réalisatrice talentueuse qui, depuis 30 ans, n’arrête pas de tourner (Les Acteurs provinciaux, To Kill a Priest, Europa, Europa, Washington Square), et suit ses idéaux et ses obsessions. La Cinémathèque propose un regard rétrospectif sur sa période polonaise. Alors que la situation politique, encore dans l’ère du post-communisme, est en crise, Agnieszka Holland mène sa barque. Si elle croise de nouveau la Pologne, c’est bien; sinon, tant pis. "J’ai des liens avec la Pologne, j’essaie d’y travailler; mais c’est difficile d’y tourner, les sources de financement étatique ne sont pas souples, et puis je ne suis pas très contente du public polonais, qui n’est pas ouvert à un cinéma plus… compliqué", décrète-t-elle d’une voix tranquille. Actuellement en plein tournage de Julia Walking Home à Halifax, une coproduction canadienne, polonaise et allemande, Holland partage sa vie entre la Bretagne, Paris et L.A.

Quelle est votre vision du cinéma polonais?

"Paradoxalement, il y avait plus de démocratisation quand la censure existait et qu’on trouvait les moyens de la détourner; alors qu’aujourd’hui, tout dépend des bureaucrates incompétents, qui ont le pouvoir décisionnel. Cela donne un cinéma très conformiste. C’est pire…"

Le cinéma national a-t-il encore une place?

"La diversité est importante, bien sûr; sinon, il y aurait seulement Hollywood. Et Hollywood a besoin de concurrence. Regardez les cinémas chinois et iranien, ils recèlent quelque chose de politique et de spirituel de très important. En Pologne, on traverse une crise de l’esprit."

Fidèle à vous-même, vous entretenez votre obsession pour la crise identitaire, l’influence des uns sur les autres? Comment allez-vous les proposer à l’avenir?

"On peut dire que c’est mon thème principal, trouver le vrai moi, dans un film d’époque ou dans un film actuel. En plus du tournage, je travaille aussi sur une comédie personnelle en DVD, sur la réécriture d’un film traitant de la Seconde Guerre mondiale avec Universal, et j’aimerais tourner Macbeth en Afrique noire, avec une lady Macbeth blanche…"

Festival du film polonais de Montréal
du 23 au 25 novembre
www.polfilmfestival.com