Spy Game : Mon beau légionnaire
Ça tombe bien, il fallait justement redorer le blason des espions, mais pas sûr que Spy Game soit le meilleur véhicule pour cela: voilà encore un exemple de production gonflée à l’hélium qui, sans un capitaine survolté aux commandes, aurait pu être un excellent film de genre.
Dans Spy Game, on sature; comme si on avait pris Les Trois Jours du Condor et qu’on l’avait retravaillé avec la grille d’un James Bond et la gloutonnerie visuelle d’un Mission: Impossible. C’est beaucoup pour un seul film. Sur papier, tout se tient pourtant: 24 heures dans la vie d’un espion de la CIA (Nathan Muir, alias Robert Redford) qui prend sa retraite le jour même, et qui doit sauver la peau de son protégé, emprisonné dans une geôle en Chine (Tom Bishop, alias Brad Pitt). En plus du bras de fer dans les bureaux de la CIA, Muir retrace ses meilleurs coups avec Bishop, du Viêt Nam à Beyrouth. Bonne histoire, flash-back bien dosés, unité de temps, lieux multiples, bonne chasse entre la vieille garde et la nouvelle génération, quelques bons échanges et un suspense nocturne dans les couloirs de l’Intelligence Service en prime. Ça aurait pu tenir en une heure trente.
Or, il fallait que Tony Scott soit le meneur de jeu; celui de Top Gun, de Days of Thunder et d’Ennemy of the State. Ce type-là travaille la mise en scène avec des gants de boxe. Pour une engueulade sur les toits entre Muir et Bishop, il lui faut un plan d’hélico à donner le vertige; pour rappeler que nous sommes à la CIA, il fait tourner plusieurs fois le bâtiment comme une maquette 3D, avec un bruit d’ascenseur; et il tartine son film d’une musique non justifiée.
Sans parler du montage à la hache qui laisse à peine le temps de respirer, et de la vision du monde hors É.-U. indécrottablement caricaturale. Le pire reste cependant son attitude face à ses acteurs: action, explosions, coups et poursuites; on pourrait se croire devant un film de gars. Testostérone, nous voilà. Or, Scott lèche tellement le visage de ses mégastars qu’il est clair que Spy Game est une machine à fantasmes. À ce niveau de mise en plastique, on ne leur demande pas de jouer, mais d’apparaître. Ils ne sont pas beaux, ils sont hyper beaux, surtout dans le soleil couchant, la mèche blonde au vent, et les abdominaux sculptés. Et avec Redford et Pitt, on couvre large, au moins de 7 à 77 ans…
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