L'Horloge universelle : L'éveil des consciences
Cinéma

L’Horloge universelle : L’éveil des consciences

Dans la série À bas la globalisation! Et vive les différences!, voici un autre exemple révolutionnaire de résistance culturelle face à l’ennemi.

Dans la série À bas la globalisation! Et vive les différences!, voici un autre exemple révolutionnaire de résistance culturelle face à l’ennemi. Car il n’y a pas que les arbres et le cochon en souffrance, il y a aussi la culture. Pour ce faire, le réalisateur canadien Goeff Bowie, autant versé dans le documentaire que dans la fiction (Not by Choice, The Futur of a Nation, Va t’rincer l’oeil), a filmé à l’oeuvre une de ses idoles, l’étonnant cinéaste Peter Watkins, dans L’Horloge universelle – La Résistance de Peter Watkins.

Il faut dire que le type n’est pas banal. Le Britannique Watkins a remporté l’Oscar du meilleur documentaire en 1966 avec un faux docu, The War Game (La Bombe), 47 minutes d’horreur en pleine guerre froide, soit les effets dévastateurs d’une attaque nucléaire sur la Grande-Bretagne. La BBC a eu peur et n’a pas voulu le diffuser. Et depuis, Watkins n’est plus au goût du jour en tant que sujet artistique de Sa Majesté. Il a quand même fait une dizaine de films, chaque fois des productions de pays différents (dont Edvard Munch en Norvège, Punishment Park aux États-Unis et The Media Project en Nouvelle-Zélande). Puis, à Paris, il a réalisé La Commune, un très long métrage de près de six heures qui a été diffusé sur ARTE et qui vient de passer à la Cinémathèque québécoise. Et c’est dans les décors de son film que Bowie propose Atkins comme révolutionnaire en chef. Celui-ci se sert de l’insurrection parisienne matée dans le sang en 1871 comme d’un véhicule pour appeler au réveil des consciences: les acteurs non professionnels, quelque 200 personnes, intègrent leurs idées à l’analyse critique du réalisateur, construisant ainsi leurs propres réparties et dialogues. Bowie filme ce petit monsieur à l’air sévère en train de diriger son opéra du réel et d’orchestrer les propositions de chacun. On sent bien l’électricité sur le plateau de ce work in progress. Une vraie commune. Quelques acteurs viennent raconter leur histoire, aussi béats que des nouveaux membres d’une secte. Une prof sympathique, un Arabe à la prose très articulée, un jeune papa parisien conscientisé; tous ont compris le message, veulent faire un geste pour le changement et saluent la rébellion du maître.

Bowie nous entraîne – avec la voix de Luc Picard – à Cannes, durant le MIP-TV, le marché mondial de la TV. Là-bas, où la rébellion n’est pas de mise, on croise d’immenses Américains sûrs d’eux, d’History ou de Discovery Channel, trop heureux d’expliquer à la caméra la nécessité d’un format standard mondial afin que le produit documentaire soit adaptable au plus grand nombre. Cinquante-deux minutes sur un cheval à travers des siècles, ça passe mieux que six heures avec des communards hurlant leur hargne face à la caméra. Et les discours des businessmen de la culture se retrouvent dans le petit schéma aride d’Atkins sur le fonctionnement de la télé.

Le type n’est pas un communicateur hors pair, mais saluons l’unicité de sa démarche: décentraliser le pouvoir dans ses films en conscientisant ses "acteurs-participants"; on l’a plus testé en politique qu’en art. Et ça donne une furieuse envie de se replonger dans l’histoire de la Commune…

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