The Fellowship of the Ring : Il était une fois…
La saga vient de commencer. On en a plein les yeux et plein les oreilles, le voyage est prenant et rocambolesque. Bienvenue dans le monde imaginaire des Elfes, des Hobbits et des Monstres.
Fin connaisseur de l’oeuvre colossale qu’est The Lord of the Rings , le réalisateur néo-zélandais Peter Jackson (l’excellent Heavenly Creatures) livre une adaptation très fidèle à l’esprit de J.R.R. Tolkien, bien qu’il se soit permis quelques libertés avec le premier tome, The Fellowship of the Ring, et d’empiéter sur le deuxième tome, The Two Towers. Ces modifications choqueront-elles les puristes? Peut-être pas, car Jackson et ses scénaristes, Fran Welsh et Philippa Boyens, ont fait des choix judicieux qui rendent le récit coulant et palpitant. Les lecteurs de Tolkien seront sans doute étonnés de découvrir que les éléments-clés n’arrivent pas toujours au moment attendu, ou encore qu’ils se produisent d’une tout autre façon, mais le plaisir est au rendez-vous.
Ce qui frappe d’abord chez Tolkien, hormis son extraordinaire imaginaire, c’est son style très descriptif; chaque personnage, chaque lieu et chaque fait sont exposés minutieusement. Or, le lecteur attentif s’amusera à repérer la quantité incroyable de détails que l’on retrouve dans l’épopée de Jackson; d’abord dans les costumes et les armes, lesquels possèdent les caractéristiques propres à chacune des races. Puis dans les décors spectaculaires, dont le village bucolique des Hobbits; les majestueuses et sinistres Mines de la Moria; Rivendell et Lorien, cités féeriques et intemporelles à l’image de leurs habitants, les Elfes à la beauté lumineuse. Sans oublier Orthanc, l’imposante citadelle de Saroumane, que l’on découvre par des jeux de caméra vertigineux, et les gigantesques Piliers des Rois. Plusieurs épisodes du livre ont été coupés, notamment ceux de la Vieille Forêt et de Tom Bombadil; et d’autres écourtés, tels les séjours de la Communauté dans les différents lieux de la Terre du Milieu. Des épisodes extraits des annexes du Seigneur des Anneaux ont pris de l’importance, telle l’histoire d’amour entre Aragorn et Arwen. Cette dernière, interprétée par une Liv Tyler plus belle que jamais, qui n’était qu’une présence évanescente dans le roman, prend aussi plus de place dans l’action. Par ailleurs, les chansons et les poésies n’ont pas été retenues – à la quantité qu’il y a, on aurait eu droit à un Musical! -; en revanche, leur lyrisme transparaît dans les dialogues, dont certains sont en langue elfique. Il y a aussi la musique de Howard Shore, souvent trop appuyée, qui présente une sonorité intéressante avec ses intonations celtiques, mais qui ne rend pas compte de la divine voix des Elfes.
Mais on entend bien tous les participants de cet impressionnant chorus: dans le rôle de Frodo, le porteur de l’Anneau, Elijah Wood est absolument touchant et crédible; dans ses grands yeux liquides, se dessine toute la détermination du pauvre Hobbit dépassé par sa mission. Ses fidèles copains, Sam (Sean Astin), Pippin (Billy Boyd) et Merry (Dominic Monaghan), sont drôles et attendrissants. Pour bien rendre leur petitesse, des effets de perspective forcée et des doublures de petite taille ont été utilisés; on a parfois l’impression qu’ils changent de proportion, mais on a tôt fait d’oublier ce détail.
Le Gandalf d’Ian McKellen s’avère impeccable; la beauté hiératique de Cate Blanchett sied merveilleusement à celle de Galadriel; Ian Holm incarne parfaitement le vieux Bilbo. Viggo Mortensen (le noble Aragorn) et Sean Bean (l’obstiné Boromir) interprètent solidement les deux Hommes de la Communauté et font montre d’habileté lors des combats, très bien chorégraphiés au demeurant. Plus décoratifs que substantiels, le Nain Gimli (John Rhys Davies) est rustre comme il se doit et l’Elfe Legolas (Orlando Bloom), gracieux et aérien.
Du côté des forces des Ténèbres, le légendaire Christopher Lee prouve qu’il n’a rien perdu de sa prestance en Saroumane. Les Nazgûls, les Cavaliers Noirs au service du maléfique Sauron, paraissent effroyables; ils deviennent encore plus saisissants lorsque Frodo les voit sous leur vrai jour, alors qu’il enfile l’Anneau et pénètre dans le monde des Ténèbres, des moments très forts. Comment ne pas trembler en entendant le roulement des tambours annonçant l’armée des terribles Orques qui pullulent dans la Moria?
Si les effets numériques sont étonnamment réussis pour le hideux Gollum, dont la voix sifflante et les yeux opalescents provoquent des frissons, il en est autrement pour d’autres créatures. Dans le cas du Troll des Cavernes, ce n’est guère convaincant, notamment lorsqu’il est pris d’assaut par Legolas. Bien qu’efficace, le Balrog, créature de feu, laisse quelque peu à désirer. Et pourquoi l’Oil de Sauron a-t-il l’air d’une vulve ardente?
Mais Jackson a réussi à faire de l’Anneau, celui qui permettrait à Sauron de régner sur toutes les races, un objet mû par une volonté propre grâce aux nombreux plans suggérant l’esprit du mal qui s’en dégage. Tel que Tolkien le décrivait. Cependant, le tour de force du réalisateur aura été de produire un récit si bien ficelé, et précédé d’une heureuse introduction sur l’origine de l’Anneau, que les non-initiés pourront suivre sans problème, contrairement au morcelé et ambitieux dessin animé de Ralph Bakshi, lequel regroupait les trois tomes de la saga. Porté par un souffle épique et magnifiquement photographié, à l’instar du somptueux Excalibur de John Boorman, The Fellowship of the Ring comporte des moments drôles, émouvants et terrifiants. Et ce, sans aucun temps mort, ce qui est tout un exploit pour un film de trois heures. Éblouissant.
Voir calendrier Cinéma
À l’affiche