Ali : Le King
La revue sportive Sports Illustrated l’a consacré Athlète du siècle. Plus grand que nature, Muhammad Ali fait partie du groupe sélect de ces rares personnalités si intenses qu’elles deviennent des mythes de leur vivant. En s’attaquant à un tel monument, le réalisateur Michael Mann (The Insider, Heat) savait qu’on ne recrée pas facilement une telle pièce d’homme.
La revue sportive Sports Illustrated l’a consacré Athlète du siècle. Plus grand que nature, Muhammad Ali fait partie du groupe sélect de ces rares personnalités si intenses qu’elles deviennent des mythes de leur vivant. En s’attaquant à un tel monument, le réalisateur Michael Mann (The Insider, Heat) savait qu’on ne recrée pas facilement une telle pièce d’homme. Pourtant, en allant chercher Will Smith, le cinéaste a visé juste. Transformé jusque dans sa physionomie, le Fresh Prince nous montre ici un rôle évidemment plus complexe que ceux des personnages de Men In Black et de Wild Wild West.
Dès le début, on sent cependant un malaise dans le rythme d’Ali, comme si le réalisateur ne savait pas exactement combien de temps consacrer à chacune des parties de la vie mouvementée du boxeur. En effet, si Mann a déjà fait preuve d’un usage efficace des silences, avec des séquences quasi contemplatives dans The Insider, cette subtilité échappe complètement à la progression d’Ali.
L’action commence en 1964, à la veille de la première conquête du titre mondial d’un Ali âgé d’à peine 22 ans et qui s’appelle encore Cassius Clay. Le boxeur s’entraîne pendant qu’on découvre des pans de son enfance dans un montage parallèle sur fond de soul. Mauvais présage: cette séquence s’éternise, tel un long vidéo banal, avant de nous lancer dans l’arène du combat. Car Ali est avant tout un combattant. Envers et contre tous, il a cette rage au coeur, ce désir de vaincre, magnifiquement rendu par Smith sur le ring. De véritables boxeurs ont été engagés pour la production, et l’acteur, dont le poids s’est accru de 35 livres de muscles pour ce projet, possède indéniablement le physique de l’emploi. Il sautille, fait danser ses épaules et ses pieds avec lyrisme, et provoque verbalement son adversaire à même le ring, comme le champion en avait l’habitude. Ces séquences de boxe sont superbement filmées. La qualité de l’image et de la photographie, entre autres grâce au travail du directeur photo Emmanuel Lubezki (Como Agua Para Chocolate), impressionne grandement, tout comme le montage serré et la caméra subjective.
Malheureusement pour le film, les adversaires d’Ali ne sont pas uniquement des boxeurs. Ali roi du monde n’a jamais tourné la langue sept fois dans sa bouche avant de parler. Hors du ring, il a dérangé l’establishment américain avec son intérêt pour l’islam et surtout son refus de s’engager avec l’armée américaine au Viêt Nam, ce qui lui vaudra trois ans de suspension au sommet de sa forme. "Je n’ai rien contre ces Vietcong!" lancera-t-il aux journalistes. Cette assurance, même bien rendue sur le ring, n’est pas exploitée par Mann pour explorer les motivations profondes du boxeur. On ne sait pas vraiment pourquoi Ali développe une foi islamique ou pourquoi ses relations amoureuses ne durent pas. Non qu’une réponse précise soit absolument nécessaire; seulement, Ali représente un individu tellement sûr de lui qu’on en vient presque à croire qu’il est fou. Il eût été intéressant d’explorer la volonté et les convictions béton de l’athlète hors du ring, ce que le documentaire When We Were Kings avait mieux touché il y a quelques années.
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