Carrément à l'ouest : Mots à maux
Cinéma

Carrément à l’ouest : Mots à maux

Depuis près de 30 ans qu’il tourne pas loin d’un film par année, Jacques Doillon a bâti une oeuvre sinon égale, du moins conséquente, où il explore les rapports humains avec la concision d’un entomologiste musicien, tendance claustrophobe.

Depuis près de 30 ans qu’il tourne pas loin d’un film par année, Jacques Doillon a bâti une oeuvre sinon égale, du moins conséquente, où il explore les rapports humains avec la concision d’un entomologiste musicien, tendance claustrophobe. Entomologiste parce que ses personnages, la plupart du temps féminins, sont littéralement épinglés par sa caméra, fouillés dans les recoins les plus intimes; musicien parce que ses dialogues ont la précision et la musicalité d’un quatuor à cordes; claustrophobe parce que l’air est raréfié dans cet univers à prendre ou à laisser. C’est d’autant plus vrai dans Carrément à l’ouest, huis clos verbeux qui ne séduira que les inconditionnels du réalisateur de Ponette.

Ils sont trois, deux filles (Lou Doillon et Caroline Ducey) et un garçon (Guillaume Saurrel), à s’être rencontrés par hasard, et à passer une nuit dans un grand hôtel parisien. Trois gamins ayant grandi trop vite, trois adultes encore dans l’enfance, jouant avec les mots plutôt qu’avec leurs corps, et qui nous refont le coup des jeux de l’amour et du hasard.

Cris et chuchotements, luttes de classes et existentialisme post-adolescent: Doillon marie les questionnements du Jeune Werther, la tendance prolo amorcée dans Petits Frères, et le "marivaudage bergmanien" de La Pirate. Un mélange détonant qui séduira quelques irréductibles, et agacera profondément les autres. Pourquoi? Parce que le cinéaste enfonce la même note, creuse le même sillon avec une pugnacité qui, pour être remarquable de constance, n’en est pas moins profondément horripilante.

On respire peu dans Carrément à l’ouest. Dans cette suite de luxe, qui ressemble à un aquarium de laboratoire, la caméra de Doillon suit les protagonistes au plus près, ne leur laissant aucune échappatoire, empêtrés dans leurs jeux de pouvoir et de séduction, chassés-croisés sentimentaux où tout passe par le langage – ou presque. Et là, attachez vos tuques! En effet, un glossaire à jour de l’argot parisien 2001 ne serait pas superflu pour comprendre les subtilités du dialogue, compréhensible dans l’ensemble, mais pas dans les détails. On peut admirer l’intégrité d’un cinéaste qui donne à ses personnages les mots de leur âge, mais, vu (ou plutôt entendu) d’ici, ça sonne comme un effet de mode. Une belle découverte, dans ce film pour cinéphile averti: Lou Doillon, la fille du cinéaste et de Jane Birkin, qui affiche une réelle présence.

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