Black Hawk Down : Concentré de guerre
Mogadiscio, capitale de la Somalie, octobre 1993: les Américains étaient là pour maintenir une paix relative dans un pays tiraillé par des guérillas internes qui affamaient la population. Mais en voulant arrêter les seigneurs de cette guerre civile en une opération qui devait durer une heure tout au plus, les Américains se sont retrouvés dans un bourbier.
Mogadiscio, capitale de la Somalie, octobre 1993: les Américains étaient là pour maintenir une paix relative dans un pays tiraillé par des guérillas internes qui affamaient la population. Mais en voulant arrêter les seigneurs de cette guerre civile en une opération qui devait durer une heure tout au plus, les Américains se sont retrouvés dans un bourbier. Pendant une après-midi et une nuit, près de 75 rangers et 40 soldats de la section spéciale Delta se sont fait prendre dans un quartier de la ville, pourchassés par une foule hostile très bien armée. Bilan: 2 hélicoptères Black Hawk à terre, 18 Américains tués, 73 blessés et près de 1000 Somaliens morts. Bourde militaire, erreur tactique, échec de l’administration Clinton: la nouvelle était passée vite à l’époque, mais on avait eu le temps d’être choqué par des images de corps traînés dans la poussière de Mogadiscio. Privilège de ceux qui peuvent revenir jouer dans le passé, Ridley Scott (Gladiator) et son ami Jerry Bruckheimer (The Rock) ont rapidement mis en images le best-seller du journaliste Mark Bowden, et sortent Black Hawk Down.
Condensé de guerre sur pellicule; décoction pour Occidentaux; action sans réflexion; montée dramatique et belles images: voilà à quoi l’on pense quand on sort de deux heures et demie de Somalie en compagnie de Scott et de ses boys. Et ça roule comme un film artistique pour Bruckheimer qui, on le sent, voulait coiffer au poteau Coppola et Spielberg. La tension qui se maintient durant la première heure; la couleur sable des images du directeur photo des chefs-d’oeuvre de Kieslowski, Slawomir Idziak; la musique étonnamment sobre; les vols de Black Hawks au-dessus de la côte de l’océan Indien; la souricière explosive que devient Mogadiscio: on parle d’un bon film d’action, sans doute. Mais d’un petit film de guerre.
Difficile d’en être autrement quand on choisit de filmer avec la candeur états-unienne, cet oeil innocent qui place la caméra du côté du simple soldat, le portant en héros, et qui met des Noirs pour l’équilibre des couleurs. Dix-huit morts contre mille, c’est presque indécent, mais les boys ont souffert, et c’est bien assez pour faire un film. Les acteurs, nombreux, n’ont rien de particulièrement convaincant; les Ewan McGregor, Eric Bana (excellent dans Chopper), Sam Shepard ou Josh Hartnett ont tous eu l’occasion d’être meilleurs ailleurs. Et en plus, ils sont tous beaux, ce qui gêne presque. Pourquoi? Parce que ça noie le poisson, on a du mal à se concentrer sur la mécanique guerrière. Mais à quoi bon, puisque le film reste en surface, et ne veut pas juger: cette sacro-sainte neutralité bon enfant englue tout approfondissement. Voilà pourtant un sujet en or qui pouvait mettre en scène les conséquences de l’interventionnisme militaire moderne; or, on n’y touche pas. On se déculpabilise en donnant une scène de ravitaillement et deux ou trois rôles parlants aux Somaliens, mais cela reste très épidermique. Dommage, cela eût été éclairant par les temps qui courent. Grosse artillerie, sang et hurlements viennent combler le manque de recul et de profondeur: un film à ne pas prendre comme un cours d’histoire, mais comme un flash sur un passé trop rapproché.
Voir calendrier
Cinéma exclusivités