Storytelling : Vanitas, Vanitatis
Cinéma

Storytelling : Vanitas, Vanitatis

Storytelling ? Voici donc un film qui raconte des histoires. Mais comme il s’agit d’un film de Todd Solondz, l’auteur de Welcome to the Dollhouse et Happiness, on n’y raconte pas des histoires dans le sens de contes, mais dans celui de "mener en bateau". Le mot-clé est exploitation. Ici, le sujet du film n’est plus l’humanité et ses aventures, mais bien Solondz lui-même. Un exercice où l’on gagne surtout en prétention.

Storytelling

? Voici donc un film qui raconte des histoires. Mais comme il s’agit d’un film de Todd Solondz, l’auteur de Welcome to the Dollhouse et Happiness, on n’y raconte pas des histoires dans le sens de contes, mais dans celui de "mener en bateau". Le mot-clé est exploitation. Ici, le sujet du film n’est plus l’humanité et ses aventures, mais bien Solondz lui-même. Un exercice où l’on gagne surtout en prétention.

Cependant, pour nous rappeler à quel point la race humaine n’est que pourriture, le réalisateur emploie deux temps pour livrer le récit. Dans la première partie, la plus courte, on découvre les liens entre une fille aux cheveux roses, son amoureux paralysé et leur prof, un grand méchant Noir; et dans la seconde, on suit les mésaventures d’un documentariste nul qui tente de capter la réalité d’un ado mou et de sa famille dysfonctionnelle. Littérature et reality show, même combat: la recherche de la réalité est un leurre, souvent douloureux, mais quelle importance, puisque tout le monde s’en fout! Et l’étude pervertit. Une fois ce nihilisme exposé, on pourrait gloser à loisir sur les prétentions de Storytelling; décréter que l’on y passe autant de temps à provoquer qu’à s’excuser, que l’on y cherche autant l’effroi que la sympathie du spectateur. On aurait raison: moquerie, méchanceté et sexe, tous les moyens sont bons pour balancer des paquets de tabous; mais, en contrepartie, Solondz assouplit la charge quand il fait dire à la productrice du documentariste que son film n’est pas bon, qu’il n’est pas à hauteur humaine, qu’il méprise ses personnages. On pourrait croire à ce mea-culpa de l’auteur, mais on aurait tort, Solondz ne s’excuse pas de son mépris. Cela ressemble même fortement à une affirmation, à une profession de foi: l’humanité le débecte. Qu’importe cette misanthropie, dans Happiness, le bestiaire humain était aussi vu de façon crue et dérangeante, mais les personnages étaient au coeur du film. Or, dans Storytelling, ils ne sont que prétexte. Solondz, à la fois dénigré et adulé, se regarde, ravi de tant d’attention. C’est l’histoire du corbeau et du renard: il veut montrer à quel point il est doué. Mais moins brillant que Lynch, moins subtil que La Bute, il perd au change.

Restent de bons morceaux choisis: si le propos n’est pas clair, le premier segment de Storytelling est très bien raconté, excellent court métrage qui distille son venin en douce, soutenu par Selma Blair, Leo Fitzpatrick et Robert Wisdom. On aime aussi les rapports vicieux entre le petit Jonathan Osser et la bonne salvadorienne, Lupe Ontiveros; la différence de volume entre John Goodman et Julie Hagerty; et le paquet de gueules déprimantes à la Solondz. En commençant par celle de Paul Giamatti, si minable qu’elle en est douloureuse…

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