Cinéma en région : Meilleurs espoirs saguenéens
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Cinéma en région : Meilleurs espoirs saguenéens

S’extirpant lentement du marasme qui l’afflige, le cinéma régional reprend du poil de la bête. Derrière ce retour à la vie, quelques maisons de production qui s’évertuent à modifier le statut de satellite des régions. Le secret? Une volonté de  faire.

La problématique de l’art en région persiste. Les institutions étant pour la plupart centralisées dans les grandes villes (principalement Montréal), les réalisations hors du 514-450 sont le plus souvent marginalisées, voire carrément ignorées. Sans oublier l’exode massif qui se poursuit, année après année, et qui pousse les plus prometteurs des artistes régionaux à se réfugier à l’ombre des gratte-ciel, plus près d’un Québec multiethnique, grouillant et fumant.

Mais, comme le constatent ceux qui ont décidé de demeurer à l’écart des grands milieux urbains et de leurs métaux hurlants, l’art qui se centralise autour d’une seule ou deux villes ne peut être réellement représentatif de la production québécoise, ne peut refléter le Québec en entier. "Pour être souverain, il faut couvrir l’ensemble du territoire et pas seulement militairement", blague à demi Sébastien Pilote, cofondateur du FRRCQS (Festival Regard sur la relève du cinéma québécois au Saguenay).

La survie avant tout
Pour Pilote, cinéaste, réalisateur pour la télévision, cofondateur de Caravane Films et, par extension, du FRRCQS, l’enjeu demeure alimentaire: "Moi, je suis très chanceux de pouvoir travailler pour Télé-Québec, dans le milieu de la culture en plus, mais ce qu’il manque ici, c’est du travail dans le même domaine pour que les cinéastes puissent vivre sans avoir à travailler dans un milieu qui n’a strictement rien à voir avec leur art, comme dans un restaurant. Même à Montréal, ceux qui vivent du cinéma sont généralement obligés de faire de la pub ou des vidéoclips. Ici, il ne s’en fait pas beaucoup."

Esquivant ces contraintes, Pilote croit fermement que le mouvement d’exode trouve cependant ses racines dans un mythe: il serait impossible de faire du cinéma (ou quoi que ce soit d’autre) en région. "Malgré tout, je pense que c’est possible de rester ici et de tourner. À Montréal et à Québec, il y a des structures. Par exemple, à Québec, il y a Spirafilms qui peut inciter les cinéastes de Québec à y demeurer. Chez nous, avec Caravane, c’est ce que nous essayons de développer. Nous accueillons des artistes qui ont des projets artistiques novateurs en cinéma ou en vidéo et qui n’ont pas de gros moyens; nous avons l’équipement et l’expérience à leur fournir."

La décentralisation: impossible?
Le portrait du cinéma en région, bien qu’il ne soit pas des plus lumineux, n’a cependant pas la noirceur qu’on pourrait lui croire. Denis Bellemare, professeur en cinéma à l’Université du Québec à Chicoutimi, perçoit un changement dans les mentalités, une flamme qui vacille dans l’obscurité.

Le nerf de la guerre, c’est la décentralisation. Et selon lui, ce renversement passe par la production de films à Montréal ou à Québec dont les producteurs se trouveraient en région. Ou quand le satellite se fait le centre d’attraction: "Aux productions de la Chasse-Galerie, qui existent depuis plus de 20 ans, on ne produit pas que des artistes locaux, explique le professeur Bellemare, mais on essaie aussi d’amener des productions de l’extérieur chez nous. Alain Corneau et Martine Larouche, qui dirigent la Chasse-Galerie, sont, on peut dire, contre le concept de cinéma en région. Ils produisent aussi des gens de Montréal en plus de produire du cinéma d’ici."

Et du côté alimentaire, Denis Bellemare se fait plus optimiste que Pilote: "Il y a des boîtes de pub à Chicoutimi, peu nombreuses, d’accord, mais c’est la réalité. Il y a une difficulté réelle en Gaspésie, en Abitibi et au Saguenay-Lac-Saint-Jean, mais ici, au Saguenay, on produit un peu plus. C’est qu’il n’y a pas une réalité économique actuelle qui rende les choses faciles, pas plus qu’il n’y a une réalité économique dans les organismes subventionnaires qui permette une réelle décentralisation. Je ne pense pas que Sébastien [Pilote] se plaigne pour rien, mais nous sommes des pionniers. Parfois, c’est dur."

Regards
Ce qui tarabuste aussi Sébastien Pilote, c’est l’absence totale de diffuseur en région pour le cinéma de répertoire, l’inexistence d’un seul club vidéo qui propose autre chose que les blockbusters états-uniens et, derrière cette attitude, une abnégation totale de l’art au profit de l’argent.

Un vide qui l’a poussé à créer, en collaboration avec Éric Bachand, le Festival Regard sur la relève du cinéma québécois au Saguenay, un phénomène qui prend de l’ampleur, auquel on cherche de plus en plus à se coller. Même du côté de Montréal, où les Kino et Rendez-vous du cinéma québécois s’associent de différentes manières à l’événement.

Aujourd’hui, le Festival en est à sa sixième édition et force est d’admettre qu’une telle réussite traduit un changement dans les vents qui soufflent un peu plus d’est en ouest qu’auparavant. "Les institutions font des efforts, croit Sébastien Pilote, elles cherchent à encourager le cinéma en région, même si c’est loin d’être évident. En fait, le salut du cinéma régional réside dans l’exemple, il faut que nos cinéastes restent ici", conclut-il.

Festival Regard sur la relève du cinéma québécois au Saguenay
Du 28 février au 3 mars