Faites comme si je n'étais pas là : Fenêtre sur cour
Cinéma

Faites comme si je n’étais pas là : Fenêtre sur cour

Solitaire et secret, Éric (Jérémie Rénier) s’ennuie dans son morne HLM de banlieue. Préférant vivre par procuration, il épie constamment ses voisins de la fenêtre de sa chambre en notant dans un cahier leurs moindres faits et gestes. Quelquefois, il leur envoie des missives anonymes dans le but de faire changer le cours des choses.

Solitaire et secret, Éric (Jérémie Rénier) s’ennuie dans son morne HLM de banlieue. Préférant vivre par procuration, il épie constamment ses voisins de la fenêtre de sa chambre en notant dans un cahier leurs moindres faits et gestes. Quelquefois, il leur envoie des missives anonymes dans le but de faire changer le cours des choses. Derrière ses jumelles, il semble contrôler tout ce petit monde tel un metteur en scène discret, à l’image même d’Olivier Jahan, dont ce premier long métrage, présenté à la Quinzaine des Réalisateurs (Cannes 2000), se veut un regard introspectif sur les tourments de l’adolescence par le biais du voyeurisme.

Avec son atmosphère étouffante et feutrée, Faites comme si je n’étais pas là est un drame psychologique très intimiste qui se donne par moments des allures de thriller. Le récit évolue lentement, les répliques sont lourdes de sous-entendus, l’accent est mis sur des petits détails en apparence anodins, et le visage du jeune Rénier, qui joue avec beaucoup de justesse, paraît mystérieux et marmoréen. Que trame Éric derrière son mutisme obstiné? Incapable de communiquer avec ses proches depuis la mort de son père, Éric se plaît à les manipuler cruellement; le regard qui leur porte fait craindre le pire. Les plans rapprochés et les éclairages tamisés – le personnage se livrant à son passe-temps principalement la nuit – contribuent à créer un climat névrotique qui se transforme par instants en un climat sensuel, voire érotique. Et pourtant, Éric évolue dans un univers gris et froid; fort heureusement, Marie (Emma de Caunes, fougueuse), une étudiante délurée qui veut percer le mystère de l’adolescent, y apporte une bouffée de fraîcheur. De plus, Éric se prend d’affection pour le jeune couple de fêtards qui s’est installé en face de chez lui; ce couple lui servira de contrepoint à une mère trop fragile (Aurore Clément, émouvante) et à un beau-père désemparé (Johan Leysen, convaincant).

Olivier Jahan a su peindre en demi-teintes le mal de vivre de l’adolescence à un point tel que son film semble en être contaminé, car on a parfois l’impression qu’il ne va nulle part, comme un adolescent désoeuvré. Cependant, Jahan nous rattrape au tournant avec des scènes d’une criante vérité où les personnages, que nous devinons porteurs de blessures profondes, font preuve d’une implacable incommunicabilité.

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