FIFA : Écrans partagés
Le FIFA bat son plein. Un choix s’impose et le cinéma l’emporte… Arrêt sur images.
Ils ne forment pas le gros de la programmation, mais parmi les 200 films présentés au 20e Festival du film sur l’art (FIFA), quelques-uns tournent autour du cinéma. Si des portraits de Clint Eastwood, Greta Garbo ou Maria Félix ne vous allument pas, voici quatre films plus "pointus". Cinéphiles, à vos marques!
Sur un sujet assez vaste, et un peu aride, Richard Jutras a réalisé un excellent documentaire, Les Conteurs de vues animées, dans lequel un cinéaste, en train de monter un film sur le cinéma québécois, devient amnésique. Il retrouve peu à peu la mémoire en regardant les extraits de films et les entrevues qui doivent composer son film. Si cet encadrement dans la fiction semble artificiel, et ramène à l’époque du docudrame, tout le reste est passionnant. D’abord parce que Jutras adopte un angle bien précis: de la prise de parole du direct aux "têtes parlantes" du Déclin…, en passant par la voix off d’Au clair de la lune ou de Léolo, on parle beaucoup, dans les films québécois, mais on n’agit pas tellement. Pourquoi? La question est pertinente et débouche, évidemment, sur un débat culturel, politique et sociologique. La pertinence des commentaires de Robert Morin, Micheline Lanctôt, Denis Villeneuve, Marcel Jean et plusieurs autres cinéastes éclaire et relance le débat. À poursuivre dans la salle…
Après avoir réalisé une fiction avec Jean-Pierre Léaud, Serge Le Péron a voulu poursuivre le dialogue avec l’acteur, en réalisant Léaud l’unique, document singulier sur un acteur qui l’est tout autant, figure emblématique de la Nouvelle Vague, et qui, depuis, ne semble exister qu’au grand écran. Tout ce qu’on sait de lui vient des films dans lesquels il a tourné depuis 40 ans, et Le Péron respecte ce choix. De nombreux extraits de films (dont La Tour, prends garde!, film de cape et d’épée dans lequel Léaud fit ses débuts!), la séquence savoureuse du casting des 400 Coups, les témoignages de plusieurs cinéastes (Truffaut, Godard, Kaurismaki, Assayas, Bonello) et la participation de Léaud forment le portrait amical d’un homme insaisissable, sans en faire une énigme, ni le réduire au rôle de "créature" de Truffaut. Et montrent bien, preuves à l’appui, à quel point Jean-Pierre Léaud est vraiment un acteur, et non pas un ovni du septième art.
All or Nothing: Autobiography of Rosanna Seaborn, de Pavla Ustinov, nous fait découvrir une dame de 90 ans qui, depuis toujours, ne vit que pour une chose: la réalisation de The Great Burning, scénario qu’elle peaufine depuis 50 ans, sur la rébellion de 1837, à travers l’histoire d’amour entre la fille d’un seigneur canadien-français et un soldat britannique. "C’est le Gone With the Wind canadien", explique-t-elle. Issue d’une riche famille de Senneville, elle a joué sur les scènes de Londres et New York; elle a créé, en 1947, l’Open Air Playhouse, sur le mont Royal; et fait quelques rôles de marâtres dans des films québécois. Une grave dépression, la mort de ses parents, une tentative de suicide et une santé chancelante ne sont pas parvenus à éteindre la flamme de cette femme qui, aujourd’hui, se consacre toujours à l’écriture de The Great Burning, devenu une minisérie de sept heures. Livre d’images un peu convenu, All or Nothing est composé de films d’archives, de témoignages, et surtout d’entrevues avec Rosanna Seaborn, mais ne parvient pas à transmettre l’esprit de cette pionnière, nous montrant les signes extérieurs de cette existence mouvementée sans en percer le mystère.
Sur une narration de Sam Shepard, et des extraits de l’autobiographie de Kurosawa, lus par Paul Scofield, le Kurosawa d’Adam Low retrace les 87 ans d’un homme qui en a consacré plus de 50 au cinéma. Avec trois Oscars (Rashomon, Derzou Ouzala et un Oscar honorifique en 1990), une Palme d’or (Kagemusha), deux remakes occidentaux (The Magnificent Seven, remake des Sept Samouraïs; Pour une poignée de dollars, remake de Yojimbo), et des adaptations de Shakespeare (Le Château de l’araignée, adapté de Macbeth; Ran, inspiré du Roi Lear), Dostoïevski (L’Idiot) et Gorki (Les Bas-fonds), Kurosawa est le plus célèbre des cinéastes du Japon. Évoquant autant les triomphes du cinéaste, surnommé "l’empereur du cinéma japonais", que les épisodes plus noirs de sa vie (tremblement de terre de Tokyo en 1923, tentative de suicide en 1971, difficultés professionnelles à partir des années 70), ce document assez conventionnel captive tout de même par la description détaillée de la vie de cet homme qui a traversé le siècle, du Japon impérial à la modernité, et qui, ne vivant que pour le cinéma, tourna jusqu’à 83 ans.
À noter également sur le carnet de bal, pour les curieux: Film (Dzama), une chose splendide et hautement poétique de Deco Dawson; et Zoe, un opéra-comédie musicale pour ados, c’est britannique et signé Waldemar Januszczack.
FIFA
Jusqu’au 17 mars
(514) 874-1637
www.artfifa.com