Les Âmes fortes : Dames de fer
Une vieille femme, lors d’une veillée funèbre, est poussée par d’autres vieilles en noir à raconter sa vie, à livrer ses péchés. Car Thérèse fut un jour une jeune et désirable paysanne sur qui personne n’avait d’emprise, une âme forte.
Une vieille femme, lors d’une veillée funèbre, est poussée par d’autres vieilles en noir à raconter sa vie, à livrer ses péchés. Car Thérèse fut un jour une jeune et désirable paysanne sur qui personne n’avait d’emprise, une âme forte. Thérèse a suivi son fiancé Firmin à Châtillon, et remarqué madame Numance dont la générosité est sans borne. Fascination mutuelle entre deux esprits avides d’absolu; toutefois, Firmin va escroquer les Numance. La bienfaitrice disparaît, et Thérèse, sous le choc, va mûrir sa vengeance. Jusqu’au meurtre. Les Âmes fortes est considéré comme l’un des plus grands romans de la littérature. Jean Giono l’avait écrit après la guerre, alors que traînaient sur lui des rumeurs de collaboration. L’écrivain, amer, délaisse ses collines et ses paysages ensoleillés pour se jeter dans la description de passions monstrueuses, de relations violentes et d’esprits sombres. Et c’est ce qu’on retrouve dans Les Âmes fortes: une femme dont on ne sait jamais si elle est ange ou démon. Mais ce n’est pas aussi simple que cela; et Raoul Ruiz, un talent pourtant habitué à en découdre avec la complexité, est resté comme un équilibriste au milieu de tous ses personnages au caractère décortiqué. Transposées à l’écran, ces âmes exaltées se retrouvent étrangement… aplaties et coincées dans un dessein cinématographique alambiqué.
Pourtant, rarement une adaptation de Giono n’a résonné aussi fidèlement. Eric Neuhoff et Alexandre Astruc sont derrière la scénarisation de ce film. Ruiz ne lésine sur rien, utilisant le scope pour la première fois; il joue encore de ses fameux mouvements qui bouleversent l’espace. La lumière, enveloppante, de l’excellent directeur-photo Éric Gautier, la composition sobre des décors, et la splendeur de quelques mouvements – le visage de madame Numance derrière une vitre, qui apparaît pour la première fois; une marche dans la neige; et même ce début, cette fuite amoureuse par nuit claire – : tout cela, c’est du grand art. Mais au milieu de ces beautés, les personnages ont l’air de fantômes. À force de ne vouloir imposer aucune facette, les sentiments, qu’ils soient noirs ou généreux, ne sont pas incarnés; et les liens perdent en crédibilité. Les actions se révèlent alors inconvenantes, voire saugrenues. Et ce n’est pas tant la faute de Laetitia Casta (Thérèse), Arielle Dombasle (madame Numance), John Malkovich (monsieur Numance), Frédéric Diefenthal (Firmin), et Charles Berling, en immonde prêteur sur gages, s’ils semblent sans vie, mais celle d’un cinéaste absorbé par trop de secrets et de mystères.
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