Tanguy : Les parents terribles
Il semblerait qu’ÉTIENNE CHATILIEZ vise juste. Après que tout le monde s’est découvert une Tatie Danielle cachée dans le placard, et une connaissance Groseille ou Du Quesnoy (La vie est un long fleuve tranquille), on dit maintenant en France: "J’ai un Tanguy à la maison!" Pas mal de faire un film et de passer illico en nom de code…
Abonné au succès, mais toujours en attente d’être démasqué, Étienne Chatiliez, humour pince-sans-rire et nonchalance affichée, nous balance encore une dosette de vitriol estampillée comédie populaire. La dernière fois, c’était un industriel qui pétait les plombs et bazardait sa vie dans Le bonheur est dans le pré. Aujourd’hui, avec Tanguy, le réalisateur part d’un fait de société: ces enfants devenus adultes qui, par crainte ou par nécessité, ne peuvent quitter le cocon familial. Chatiliez l’a transposé dans la bonne bourgeoisie parisienne, au sein d’un couple libéral, intelligent, cultivé et ouvert: Sabine Azéma et André Dussollier, impeccables comme deux clowns en osmose. Au milieu, un nouveau venu: Éric Berger est Tanguy, le fils idéal, doué et gentil. Mais à 28 ans, il pourrait tout de même décamper… Culpabilité avouée, premières mesquineries et sérieuses vacheries: cette famille-là va passer une crise. Elle a, comme le dit son auteur: "Un écart de façon ponctuelle." Alors, bien sûr, l’écart est grandi pour la cause humoristique, et on tombe parfois dans des situations absurdes. La tension grimpe, la mère s’emballe et le père si posé perd la tête, de plus en plus follement, "parce que Tanguy agit de façon à décourager ses bourreaux!" explique le réalisateur, amateur d’anticonformisme frondeur à la Blake Edwards, et rompu aux rudes comédies comme L’Argent de la vieille.
"Je voulais faire le portrait de toutes les mères face à leur progéniture, source de bonheur et d’angoisse. C’est tabou de dire du mal de ses enfants. L’amour n’est pas forcément aveugle, on a parfois envie de les étrangler! Mais je ne suis pas là pour faire des horreurs, ce ne sont pas les Thénardier: cela n’a de valeur que si ces parents aiment leur fils. Il fallait un fils idéal, un peu E.T. sur les bords, mais sympathique, pour que les parents arrivent à se poser la question de culpabilité: "Mais qu’est-ce que j’ai fait pour qu’il ne vole pas de ses propres ailes?" Il fallait grimper d’un cran dans la case vicieuse pour que cela fasse rire, et s’accrocher entre le drame et l’humour pour que cela passe."
Dans ce délicat équilibre, Tanguy tient bien la route, après une entrée en matière tranquille et une fin tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil. Le plus croustillant appartient au plat de résistance, au milieu du film, à l’heure des manigances parentales, quand on découpe les vêtements, dérègle le réveille-matin, embaume la chambre avec du poisson et autres farces de moins en moins innocentes. Dussollier vole la vedette en acteur comique qui passe de l’à-plat-ventrisme face à sa mère (Hélène Duc), à l’exaspération outrée, avec le talent qu’on lui connaît.
Le film a fait quatre millions d’entrées en France, un autre succès pour celui qui tourne bien lentement, "et ce n’est pas par paresse, mais par doute, car j’ai tendance à ne pas croire dans les choses". Mais il promet de se forcer. Pour revisiter l’horreur de façon comique, il a l’embarras du choix…
En primeur
Dès le 29 mars