Rue des plaisirs : Très petite vertu
Cinéma

Rue des plaisirs : Très petite vertu

Les Irma la douce ont la couenne dure. La pute au grand coeur, belle, candide et (c’est mieux) promise à un destin tragique, occupe encore une bonne place dans les fantasmes. PATRICE LECONTE ne s’en cache pas, au contraire. Il a voulu un film-hommage, un coup de chapeau à un cinéma français disparu, celui des années 30 et 40, au temps des Duvivier, Grémillon, Becker et Renoir.

Les Irma la douce ont la couenne dure. La pute au grand coeur, belle, candide et (c’est mieux) promise à un destin tragique, occupe encore une bonne place dans les fantasmes. Patrice Leconte ne s’en cache pas, au contraire. Il a voulu un film-hommage, un coup de chapeau à un cinéma français disparu, celui des années 30 et 40, au temps des Duvivier, Grémillon, Becker et Renoir; un certain réalisme poétique où l’on cachait les passes sordides, mais où l’on envoyait des prostituées joyeuses, celles de la Maison Tellier, se promener en carriole.

Avec Rue des plaisirs, le réalisateur de Ridicule et de La Veuve de Saint-Pierre fait dans le nostalgique. Il ranime les bordels d’avant la fermeture; réhabilite le trio amoureux de base (Marion aime Dimitri, Dimitri aime Marion, petit Louis aime Marion, mais comprend qu’elle aime Dimitri); et, fable oblige, il organise son récit en tragédie, avec choeur antique de trois dames sous la pluie qui nous racontent l’histoire, en tapinant tranquillement. "C’est un hommage très affiché, lance-t-il d’emblée. Le cinéma romanesque m’a nourri, celui avec des destins très dramatiques, des films d’acteurs et de dialogues. Je suis sensible, mais je ne fais pas de la copie d’ancien, ce serait idiot. Quand j’ai commencé à rêver de ce film écrit par Serge Frydman (Les Grands Ducs, La Fille sur le pont), je pensais au charme: celui des odeurs, des bouchons de champagne qui sautent, des sourires, de la poudre de riz. Je voulais que le film s’envole, qu’il soit léger. La désinvolture n’est pas une tare, au contraire!" Nul besoin de préciser que la vision de Leconte est complètement poétisée. Et il en rajoute avec des regards caméra et des images de synthèse, afin de bien marquer cette impression de réalité parallèle, de "décollage". Malheureusement, dans cette bulle, les acteurs flottent aussi dans l’éther. Ils ne sont pas désinvoltes, mais à côté de la plaque, s’agitant pour contrer l’ennui. Laetitia Casta a le minois rétro; cela marchait dans La Bicyclette bleue et dans Les Âmes fortes, mais il faudrait maintenant qu’elle commence à s’animer. Donnez-lui du texte. Patrick Timsit, brillant acteur (Le Cousin), reste amoureux transi, ne gardant qu’une expression de chien battu durant tout le film. "J’avais un point de repère: comment regarder quelqu’un avec amour sans qu’il le sache?" explique-t-il en entrevue, heureux de cette aventure qui fait revivre un cinéma oublié. La collaboration Timsit-Leconte est à surveiller. Seul Vincent Elbaz, bondissant et souriant comme un Errol Flynn ou un Douglas Fairbanks, dégage une certaine vitalité. "J’avais du mal à trouver quelqu’un pour ce rôle: qui a-t-on en France comme jeune acteur fringant, col ouvert, qui n’a jamais froid aux yeux?" raconte Leconte.

Mais Elbaz tourne à vide, il n’a pas grand-chose à se mettre sous la dent.

À part les trois grâces (dont Catherine Mouchet) qui forment cette belle image sous la pluie; un début d’histoire prometteur qui annonce fantaisie et rebondissements; et à part cette ancienne chanson, C’était écrit, que chante mademoiselle Casta, on baigne justement dans la copie malhabile, vide de charme. C’est comme si, voulant remettre le rétro au goût du jour, on imprimait de nouveau des cartes postales du temps de la guerre. Mais sans ce qui fait leur valeur: les mots écrits à la plume derrière, le parfum suranné, les teintes pastel devenues poudrées…

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