Atarnajuat, l'homme rapide / Festival in Cannes : Course au succès
Cinéma

Atarnajuat, l’homme rapide / Festival in Cannes : Course au succès

Atarnajuat court toujours. Il a franchi la banquise, jusqu’à Cannes, jusqu’à nous. Le film de Zacharias Kunuk a pris tout le monde par surprise. Mais ce n’est pas simplement la branchitude ethnologique qui a permis au film de repartir de la Croisette l’année dernière avec la Caméra d’or et de quitter chaque festival avec un prix: le long métrage de Kunuk est une oeuvre touchante, prenante et grandiose.

Atarnajuat

court toujours. Il a franchi la banquise, jusqu’à Cannes, jusqu’à nous. Le film de Zacharias Kunuk a pris tout le monde par surprise. Mais ce n’est pas simplement la branchitude ethnologique qui a permis au film de repartir de la Croisette l’année dernière avec la Caméra d’or et de quitter chaque festival avec un prix: le long métrage de Kunuk est une oeuvre touchante, prenante et grandiose. Ce film est un tour de force de production: avec un budget de 1,9 million $, un tournage en numérique transféré en 35 mm, une légende ancienne rafistolée au bord de l’oubli, l’engouement d’une ville (Igloolik, 60 % de chômage) pour un projet qui la ramenait 100 ans en arrière, des non-acteurs à diriger et la barrière de la langue inuktitut, Isuma Productions a réussi une saga qui a tellement de souffle qu’elle rejoint autant la masse critique, le coeur d’un public multiethnique que les grandes épopées de type Lawrence d’Arabie.

Un tour de force qui tient d’abord au talent, car Kunuk a su transmettre l’espace. En effet, comment traduire le désert, ce rien immaculé? Comment le faire comprendre par une image rectangulaire? En trois heures, ce réalisateur de documentaires (et son fidèle producteur Norman Cohn) raconte une histoire d’amour entre Atarnajuat (Natar Ungalaaq) et Atuat (Sylvia Ivalu), avec sexe, meurtre et jalousie; mais aussi une épopée spirituelle (le temps des chamans d’avant l’évangélisation), et la vie des Inuits, vierge de culture blanche. Plus que ça, il fait ressentir, au-delà du propos, le caractère profond d’un peuple, d’un moment et d’un lieu; et l’anima qui sous-tend tout cela. Kunuk n’a pas besoin de dire qu’il fait froid et que la communauté tient au chaud: il sait le décrire, on le voit et on le perçoit. Intime, grandiose et moderne, Atarnajuat, l’homme rapide, c’est du post-Nanook of the North: à la fois un film mature qui regarde sa culture disparue, et une vraie histoire de cinéma qui recueille les traces de cette culture. Un genre de western mythique nordique.

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Festival in Cannes: le panier de crabes
Loin des déserts, Festival in Cannes, c’est l’autre bout de la business; un film signé Henry Jaglom, iconoclaste et pote d’Orson Welles, qui dans ses drames romantiques a toujours privilégié l’acteur et l’intime. Selon ses choix, il était donc normal qu’il filme le grand cirque du cinéma annuel à travers quelques personnages – un couple légitime de stars (Anouk Aimée et Maximilien Schell) et des couples en devenir: un chauffeur de taxi qui se prend pour un magnat (excellent Zack Norman); un sbire d’Hollywood (Ron Silver); une actrice-scénariste idéaliste (Greta Scacchi) et une starlette qui veut le rester (Jenny Gabrielle). La valse des couples et les plans de la baie sur du Charles Trenet, on s’en passerait. Par contre, le processus de (dé)construction d’un film passant par de succulents pourparlers politico-créatifs est tout à fait crédible. Le film ne fonctionne que sur ces discussions, persuasions sans fin; à l’image exacte de cette ville que ne fonctionne durant 15 jours en mai que sur le mode dollars.

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