Human Nature / Michel Gondry : Pop singeries
Michel Gondry, super faiseur d’images, a calqué son imaginaire clips et pubs sur une histoire à dormir debout. À voir comme un premier essai.
La tendance kitsch visuel au cinéma serait donc identique à celle que l’on retrouve dans la mode: plus on s’essaie dans le dépareillé, le bizarre et l’importable, plus les aficionados trépignent. Se jeter sur l’étrange et fonctionner à la surprise, cela fait partie du modus operandi de ceux qui sont en mal d’avant-garde. Mais pour faire gober un monde parallèle, pop et branché, celui de Being John Malkovich, des Royal Tenenbaums et d’Amélie Poulain, il faut de l’assise; une bonne idée doublée d’une patte fine. Or, le scénario de Human Nature a longtemps circulé à Hollywood à la recherche de ladite patte. Il a été jugé comme "l’un des meilleurs scripts impossibles à produire", au dire de Michel Gondry, celui qui, justement, n’a pas eu peur de le réaliser. L’histoire en question est sortie de l’esprit surexposé de Charles Kaufman, le même qui a donné à Spike Jonze le labyrinthe de Being John Malkovich. Le projet a rassemblé tout ce beau monde: Kaufman et Jonze sont aussi producteurs. Ainsi que Ted Hope, derrière Good Machine, une boîte de production légendaire (Happiness, Storytelling, In the Bedroom, Safe et des films d’Ang Lee), "qui a du ventre et qui se fait une fierté de ne pas se vendre", explique Gondry, joint au téléphone chez lui, à Los Angeles. Et le film a fait sa sortie publique à Cannes l’année dernière.
Mais est-ce au tour de Kaufman de subir cet étrange jeu de boomerang, qui veut qu’après avoir connu un succès vous arrive une bouse? Ou est-ce que Gondry a perdu les pédales devant ce scénario et ses acteurs? Il faudrait prendre un peu des deux pour expliquer le flop. Ballon dégonflé, car l’on s’attendait à mieux. Michel Gondry est le Français faiseur d’images et de concepts étonnants sur les clips de Björk (Joga, Army of Me, Isobel, et Bacherolette); des Rolling Stones (Gimme Shelter, Like a Rolling Stone); de Beck, Daft Punk, Chemical Brothers, et autres. Il est aussi gagnant de quelques Lions en publicité. Cette histoire était du cousu-main pour son imaginaire allumé: une femme très poilue, Lila (Patricia Arquette), mal acceptée par les imberbes; un chercheur brimé depuis l’enfance, Nathan (Tim Robbins), obsédé par l’étiquette, et qui a un tout petit pénis; un homme singe, Puff (Rhys Ifans), qui arrive à la civilisation dans le bureau du chercheur, et Gabrielle (Miranda Otto), l’assistante de Nathan, vamp, donc garce (d’où son accent français?). On mélange bien les couples, dans tous les sens (sauf homo), on essaie de s’amuser avec des concepts simplistes, et on regarde ce que ça peut donner. Ça ne donne pas grand-chose dans l’ensemble, mais découpé en tranches, c’est regardable: Arquette, à poil dans tous les sens du terme, chantant au sommet d’une forêt de studio; Robbins face à ses parents castrateurs; des souris mangeant de la salade avec des fourchettes; et surtout Ifans, en rut aux moindres seins qui passent. Au restaurant, il commande un vin et saute sur la serveuse. C’est monté de façon aussi rapide et délirante que dans un Tex Avery, quand le loup devient lubrique. On rit, par à-coups.
L’élément de surprise avait plu à Gondry quand le scénario a atterri sur son bureau: "L’idée de faire une comédie m’avait toujours tenté; et elle devait s’articuler sur la surprise: on ne peut pas prévoir ce qui va arriver. Et dans cette histoire, la surprise était importante. Les scénarios essaient tellement d’être branchés, que celui-ci était vraiment réel. Et moi là-dedans, j’allais tenter de construire un monde fantaisiste, d’apporter un dimension conte de fées, une dimension philosophique, un peu de magie; un prétexte à démarrer la comédie." Gondry, sérieux comme un nerd qui passe son temps à faire des trucs dingues, a aimé l’expérience: 42 jours de tournage, huit millions $ et des acteurs heureux d’être là: "Dans un clip, les chanteurs n’ont pas de scripts sur quoi se raccrocher, c’est du jeu pur. À la limite, j’ai trouvé ça plus simple de travailler avec un script", ajoute-t-il d’une voix enfantine. Mais le mythe de l’enfant sauvage n’est pas nouveau, et Kaufman ne fait que surfer sur de la philo inculte, sans substance et avec de piètres dialogues. Gondry étire donc la sauce par de jolies circonvolutions visuelles, mais le creuse-méninges tourne à vide. Soyons patients: "Charlie a un autre script pour moi, précise Gondry, qui partage son temps entre Paris et L.A. où, dit-il, l’on apprécie bien son sens de l’humour, et où les salaires sont plus conséquents. Ce sera aussi une comédie. Jim Carrey veut effacer sa fiancée de sa mémoire." Littéralement, bien sûr. Being Jim Carrey, donc. À suivre.
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