Moïse, l’affaire Roch Thériault : Grand méchant loup
Plaidant contre l’endoctrinement, la violence et l’abus de pouvoir, Moïse, l’affaire Roch Thériault, de MARIO AZZOPARDI, martèle son message de manière plutôt didactique, privilégiant une approche conventionnelle ayant fait ses preuves, mais n’offrant rien de bien intéressant à se mettre sous la dent sur le plan de la forme. Leçon.
Certains méchants malades, ayant de la difficulté à se faire accepter par la civilisation, choisissent l’isolement pour créer un monde qui reflète leurs fantasmes. On peut dire cela de Roch Thériault, alias Moïse, qui, dans les années 70 et 80 au Québec et en Ontario, a martyrisé une dizaine d’adultes et une vingtaine d’enfants. Sous l’allure de chef d’une commune unie dans l’amour et le partage, ce psychopathe sadique a tué, mutilé, battu, violé. Bref, il a sérieusement bousillé sur le plan physique comme sur le plan mental les esclaves qu’il avait sous la main. Le film Moïse, l’affaire Roch Thériault s’inspire de ces faits réels. Ce n’est pas une transcription exacte de ce qui est arrivé. Pour les besoins de la fiction (et peut-être de la coproduction canado-britannique), on a inventé le personnage de Paula, (l’Anglaise Polly Walker), travailleuse sociale acharnée qui finit par accumuler les preuves, et par envoyer Moïse sous les verrous. Mais qu’importe, on a compris le message.
Voici un film anti-secte, contre la violence faite aux femmes et aux enfants, et contre l’abus de pouvoir. Un message très clair et asséné de façon quasi scolaire: pour ne pas subir ce genre d’humiliation et de violence, il faut rester fort. Mario Azzopardi, réalisateur de séries télévisées, avait deux choix. Il pouvait jouer l’hyperbole, refiler du grand frisson à la Hannibal Lecter. Le sujet est sordide, l’horreur dépasse l’entendement; il aurait pu choisir d’en extraire le pire et de le travailler "artistiquement", d’en faire une oeuvre de cinéma et de nous glacer les sangs. Il a préféré rester dans l’accumulation de preuves, dans la lecture linéaire de l’histoire, dans le cadre film télé bien fait mais sans surprise. Le film est aussi en coproduction avec plusieurs chaînes et il est fort probable que d’ici peu, il soit diffusé au petit écran.
On a donc un film non spectaculaire, ordinaire dans la suite de scènes de va-et-vient entre la commune et le bureau d’aide sociale, entrecoupées par des soirs au bar et, vers la fin, par des séances du tribunal. D’ailleurs, c’est dans ce genre de film que l’on voit à quel point on utilise des plans de voitures qui viennent freiner dans le cadre. C’est l’autorité qui débarque, comme la cavalerie. Bref, c’est efficace, plat et ça ne fait pas un bon film. Mais ça reste en tête.
On a peur de croiser ce genre de fêlé, peur de l’embrigadement des sectes, peur que personne ne s’en aperçoive, peur que cela soit si proche culturellement et, surtout, peur d’avoir peur. De façon simpliste, en suivant le personnage de Paula et l’évolution des femmes de la commune, on suit la construction d’une défense, d’une dignité retrouvée. Pour apprendre à ne plus avoir peur. Luc Picard a beau avoir l’air ridicule avec son postiche, dénaturé (il parle anglais comme tout le monde dans ce film, qui s’intitule aussi Savage Messiah), et toujours sur le mode intensité maladive: il est terrible. Mais il sera vaincu par l’assurance d’une femme. Difficile de savoir s’il joue finement ou non: son rôle ainsi que ceux des femmes (Pascale Montpetit, Isabelle Blais, Isabelle Cyr) et des enfants sont des porte-concepts, des habits sociaux. Le petit chaperon rouge qui flanque une raclée au grand méchant loup.
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