Hollywood Ending : Les yeux grands fermés
Cinéma

Hollywood Ending : Les yeux grands fermés

WOODY le prolifique propose un nouveau chapitre de sa vie au cinéma; une comédie loufoque dans laquelle le cinéaste renoue avec le slapstick de ses débuts, et une joyeuse attaque du système hollywoodien.

Est-ce que la sortie d’un film de Woody Allen est encore un événement? Oui, s’il faut en croire la salle d’avant-première d’Hollywood Ending, remplie à craquer, réagissant au quart de tour, et applaudissant à la fin du 33e film du plus célèbre des cinéastes new-yorkais. À 67 ans, Woody Allen creuse toujours le même sillon, en signant un autre épisode dans la vie de son alter ego, qui, cette fois-ci, se rapproche plus que jamais de son modèle. Alors qu’il se dévoile, à travers ses personnages, depuis plus de 30 ans, et se cache tout autant, hors de l’écran, Woody Allen n’a jamais été aussi visible. Après s’être présenté aux Oscars pour la première fois, et avant d’accompagner son film au Festival de Cannes, également pour la première fois, Woody Allen signe un scénario à saveur autobiographique, cousu de fil blanc, mais qui multiplie les one-liners, aligne quelques scènes d’anthologie, et nous en donne pour notre argent.

Malgré ses deux oscars, Val Waxman (Woody Allen) est un cinéaste sur le déclin, qui survit en tournant des spots publicitaires de déodorant, et se console de son divorce avec une jeune actrice (Debra Messing), ambitieuse et totalement dénuée de talent. La chance semble tourner lorsqu’on lui propose The City That Never Sleeps, remake d’un film noir des années 40. Seul problème: le film est produit par son ex-femme (Téa Leoni), et le futur mari de celle-ci (Treat Williams), producteur incarnant tout ce que Waxman déteste d’Hollywood. Le réalisateur en perte de vitesse accepte le contrat, mais, face à la pression, il devient "aveugle psychosomatique". Son agent (Mark Rydell) le convainc de garder le secret le plus total, et d’entamer le tournage "à l’aveuglette".

Rien de bien nouveau sous le soleil de Manhattan: New York baigne dans la lumière cuivrée de la Toscane (images de Wedigo von Schultzendorff), les airs de Cole Porter et d’Irving Berlin flottent dans l’air, la Californie est un paradis de plastique, et les belles femmes de 30 ans sont subjuguées par un sexagénaire myope et hypocondriaque… On imagine que ça se passe en 2002, mais ça pourrait tout aussi bien se passer en 1942, tant le monde de Woody Allen est refermé sur lui-même, avec le cinéma comme référence ultime. À mi-chemin entre un film d’Abbott et Costello et une comédie d’Howard Hawks, Hollywood Ending s’inspire ouvertement de ces films des années 40, qui alignaient des scènes permettant à chacun de faire son tour de piste. Ici, c’est surtout Woody Allen qui fait son numéro, tantôt inspiré, tantôt répétitif, tantôt hilarant, et il renoue plus franchement avec la comédie loufoque de ses débuts, quiproquos et chutes à l’appui. Celui qui amorça sa carrière comme scripteur pour monologuistes, avant de monter lui-même sur scène, n’a pas perdu la main:

– Notre mariage s’en allait nulle part.

– C’est le propre du mariage: après un certain temps, il reste là.

Très en verve, il se permet même d’actualiser certains de ses classiques: "La masturbation, c’est faire l’amour avec quelqu’un qu’on aime bien" devient, ici: "Ce qu’il y a de mieux dans la masturbation, c’est le câlin qui suit."

La situation de départ est savoureuse, et le réalisateur myope comme une taupe en exploite toutes les facettes, tant sur le ton de la farce, alors qu’il s’enfarge dans les fleurs du tapis, que d’un point de vue plus sérieux, de "l’amour est aveugle" à "mener sa vie à l’aveuglette". Au point qu’il étire un peu la sauce, provoquant des rebondissements qui paraissent souvent forcés. Du réalisateur perdu au producteur véreux, en passant par l’agent servile et l’actrice nunuche, pas un artisan de la machine-cinéma n’est épargné, à l’exception du personnage du scénariste, totalement absent de ce jouissif jeu de massacre. Et pour cause, puisque c’est le maillon le plus faible d’Hollywood Ending.

En effet, si on rit beaucoup, le scénario tourne souvent les coins ronds, avec, par exemple, le personnage d’une journaliste (Jodie Markell), présente sur le plateau de tournage, qui sert, de façon trop explicite, à commenter l’action; ou bien des scènes ratées, comme celle où le cinéaste aveugle ne parvient pas à faire face à son interlocuteur, alors que celui lui parle. De plus, de la blonde de Waxman au fils de celui-ci (Mark Webber), plusieurs personnages sont escamotés, afin de laisser toute la place au petit homme à lunettes.

Cela dit, Hollywood Ending est une savoureuse mise en boîte du monde du cinéma, qui réjouira les fans de Woody le comique, mais n’apporte pas grand-chose à l’oeuvre du cinéaste Allen.

Voir calendrier Cinéma
En primeur