Festival du film juif de Montréal : Histoires de famille
Les temps sont durs, mais ici, les festivals perdurent et font tout pour montrer des signes de vitalité: tandis que Toronto fêtait récemment le dixième anniversaire du Toronto Jewish Festival, Montréal accueille la septième édition du Festival du film juif de Montréal.
Les temps sont durs, mais ici, les festivals perdurent et font tout pour montrer des signes de vitalité: tandis que Toronto fêtait récemment le dixième anniversaire du Toronto Jewish Festival, Montréal accueille la septième édition du Festival du film juif de Montréal. Avec une trentaine de films, cet événement encore jeune incorpore le deuxième Festival du film juif étudiant de Montréal. La relève est assurée. Mais les thèmes évoluent lentement. C’est du moins ce qui ressort de la programmation. Les souvenirs douloureux (exil, holocauste, mort) côtoient le besoin de la famille, la force du groupe, la nécessité du clan; la musique comme rassembleur est toujours aussi présente; mais quelques incursions notables dans la rébellion sont à noter. On n’est pas aussi téméraire qu’Amos Gitai (voir encadré), mais on se dresse avec humour devant les mariages arrangés dans Late Marriage, de Dover Kosashvili, le film d’ouverture; et on traite d’un sujet brûlant (le film fut présenté à Image et Nation et élu meilleur documentaire à Berlin): le rejet de l’homosexualité par les juifs orthodoxes, avec Trembling Before G-d, de Sandi Simcha Dubowski.
Sinon, c’est le retour à la case départ. Sobibor, 14 octobre 1943, 16 heures, un film émouvant signé Claude Lanzmann; The Optimists, de Jacky Comforty, qui rappelle que la Bulgarie a sauvé toute sa communauté juive de la déportation; et Fighter, d’Amir Bar-Lev, où l’on suit le périple d’un séduisant septuagénaire qui remonte vaillamment le temps et qui, malgré l’âge, n’a rien perdu de son esprit battant. La musique reste toujours l’art par excellence: du jazz (Strange Fruit, de Joel Katz) au violon (Taqasim, de Duki Dror; Silent Song, d’Elida Schogt), en passant par la musique arabe (Café Noah, de Duki Dror).
Coup de coeur perso pour Tsipa & Volf, de Daniel Gamburg, une petit vidéo intime sur les grands-parents du réalisateur, qui, avec rapidité (20 minutes), réussit à dégager la force du courage: celle de continuer, de sourire, et de se battre contre l’oubli. Belle métaphore. Dans le même registre, avec une facture actuelle, légère et documentaire, le film israélien de David Fisher, Love Inventory, dresse le portrait d’une famille qui, à la mort des parents, joue les détectives pour retrouver la trace d’une soeur disparue. Disparité familiale dans cette quête que certains jugent nécessaire et d’autres, incohérente. Mention aussi pour My Dear Clara, film canadien de Farry Beitel, encore une histoire de famille rocambolesque et émouvante, où l’amour fait changer les lois canadiennes de l’immigration! Si la force des films juifs, et le renouvellement timide mais évident de la forme, passe par le documentaire, il ne faut pas oublier Casting, d’Emmanuel Finkiel, film sur les films. Pour les besoins de ses longs métrages, Madame Jacques sur la Croisette et Voyages, Finkiel a filmé la sélection de non-professionnels en séance de casting. Film profondément touchant, comme un album de famille ouvert, où, entre les rires, le chant et le yiddish, c’est tout le clan qui vient se raconter devant la caméra. Bouleversant.
Du 9 au 16 mai
(514) 448-5610
www.mjff.qc.ca
Mariage tardif: les parents terribles
Manon Dumais
Pas toujours facile de conjuguer amour et famille… surtout lorsque celle-ci croule sous le poids des traditions. C’est ce qu’expose brillamment le réalisateur israélo-géorgien Dover Kosashvili dans son premier long métrage Mariage tardif, présenté à Cannes l’an dernier dans la section Un certain regard.
Travaillant à son doctorat en philosophie, Zaza (Lior Louie Ashkenazi) est toujours célibataire à 31 ans, au grand dam de ses parents qui, aidés d’entremetteuses, lui présentent en vain de jeunes vierges de bonne famille. En fait, Yasha (Moni Moshonov) et Lily (Lili Kosashvili, la maman du réalisateur) ignorent que fiston est amoureux de Judith (excellente Ronit Elkabetz, d’Origine contrôlée). Le hic, c’est que la belle ne correspond pas au profil recherché: elle est divorcée et monoparentale. Acculé au pied du mur par une mère manipulatrice et un père tyrannique, Zaza devra choisir entre le coeur et la raison.
À l’instar de son compatriote Amos Gitai (Kadosh), Kosashvili se veut le témoin de la réalité israélienne sans toutefois s’en faire le juge; et, tout comme lui, il transcende cette réalité pour atteindre l’universel. Combinant savamment les éléments comiques et tragiques, le réalisateur dépeint des personnages plus vrais que nature – certains touchants, d’autres carrément détestables – qu’il n’hésite pas à faire évoluer dans des scènes familiales bouleversantes, par moments violentes, et des scènes d’amour crues, mais jamais vulgaires. Plus qu’une simple illustration attentive des moeurs géorgiennes et israéliennes et des coutumes juives orthodoxes, Mariage tardif est le portrait grinçant d’un individu réclamant son droit à la liberté. Dérangeant.