Spider-man : Pris au piège
Spider-man est au cinéma ce que le machin en plastique made in Taiwan est au jouet: un produit attrayant qui répond au goût du jour, mais dont les pièces ne sont pas toutes d’excellente qualité et dont l’assemblage laisse à désirer. Le temps que ça fonctionne, c’est sympa. Après, on jette. Mais pour les naïfs qui rêvaient encore d’un mécano en fer, il y a de quoi enrager.
Pour beaucoup, Spider-man est le superhéros le plus cool de l’univers depuis 40 ans. Sensible et peu sûr de lui, il reste un peu nerd même en costume. Il sauve la veuve et l’orphelin en souffrant lui-même d’être un éternel rejeté. Il n’a pas la force brute de Superman ou la vengeance personnelle de Batman: il fait le bien par empathie. C’est un gentil responsable. Dans les Marvel Comics, derrière son masque, Spider-man était celui qui avait le plus de bulles de réflexion! C’est l’existentialiste des superhéros. Un premier film, donc, qui s’annonçait bien: méga-budget pour y croire; Tobey Maguire qui a la bouille parfaite et le muscle point trop saillant pour le job; et Willem Dafoe qui, même sans le masque, a déjà le rictus mauvais du Green Goblin. De plus, Sam Raimi, réalisateur d’A Simple Plan, The Gift et Darkman, a le talent pour monter finement la métaphore de la transformation du gars en homme. C’est un sujet bateau au cinéma, mais c’est le coeur même de l’histoire de Spider-man.
Or, on sort plus satisfait de la bande-annonce que du film. Bravo au marketing, mais on vient de se faire prendre dans la toile. Dans la première partie, Peter Parker, l’orphelin qui vit chez son oncle (Cliff Robertson) et sa tante (Rosemary Harris) dans Queens, et qui rêve d’être photographe et d’être aimé de sa voisine, la rousse Mary Jane (Kirsten Dunst), découvre, après avoir été piqué par une araignée mutante, qu’il développe des pouvoirs étonnants. Son air ahuri devant ses capacités extraordinaires, sa force, ses muscles, son premier costume et ses essais de lancer de toile sont assez amusants. On pressent le meilleur. On a presque envie de crier avec lui quand il réussit à swinguer entre les buildings de New York. Mais ça tourne vite en mélasse parce qu’il faut caser les récits parallèles. Du coup, l’histoire d’amour devient vite bancale, on escamote l’amitié qui se détériore avec son meilleur pote, et on saisit difficilement comment un savant mégalo puisse devenir aussi vite un farfadet fêlé qui surfe sur un snow à moteur. Une parade par-ci, des militaires décorés par-là: les scènes doivent toutes être signifiantes et fortes; on n’a pas le temps de respirer, ni de faire dans la dentelle. Toutes les informations sont comprimées, au détriment de la création d’une ambiance. La musique omniprésente est tartinée pour faire les liens dans ce montage au hachoir. Et on ne sait même pas à quelle époque tout cela se passe, tant les disparités entre les caractères sont grandes! Le manque de soin est flagrant: le rédacteur en chef du Daily Bugle (ressemblant J.K. Simmons) est une caricature des années 60 et ça détonne quand il parle de Julia Roberts; alors que l’écriture du personnage actuel de Kirsten Dunst ne manque pas de finesse (quoiqu’en serveuse sans un sou, elle se promène avec des stilletos qui ressemblent à la dernière collection Manolo Blahnick! Détail malheureux pour the girl next door qu’elle est censée être).
Le soin est ailleurs: dans les effets spéciaux, on l’aura compris. Pour voler, virevolter, et parader dans son superbe costume, l’homme-araignée est royal. C’est extra de le voir grimper aux murs et prendre les positions parfaites des arachnéens… Mais Hollywood, qui n’a que le mot franchise en bouche (les deux prochains Spider-man sont en branle), se fout pas mal de nos démangeaisons artistiques une fois qu’il a piqué nos 10 dollars. À bien y penser, X-Men reste la meilleure adaptation du genre.
Une dernière raison de bouder: un film sur l’homme-araignée sans la musique de l’homme-araignée, c’est vraiment pas très gentil…
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