C’est la vie : La vie à mort
Le cinéma, c’est la mort au travail", a écrit Cocteau. "La vie aussi", serait-on tenté d’ajouter, en accolant cette formule à l’emporte-pièce à C’est la vie, de Jean-Pierre Améris, film douloureux et exaltant sur cette partie de la vie, la dernière, qui, la plupart du temps, dans nos sociétés occidentales, est occultée, crainte, tue.
"Le cinéma, c’est la mort au travail", a écrit Cocteau. "La vie aussi", serait-on tenté d’ajouter, en accolant cette formule à l’emporte-pièce à C’est la vie, de Jean-Pierre Améris, film douloureux et exaltant sur cette partie de la vie, la dernière, qui, la plupart du temps, dans nos sociétés occidentales, est occultée, crainte, tue. Jacques Dutronc incarne un homme en fin de parcours, Russe d’origine, solitaire de nature, père de famille démissionnaire, qui vient finir ses jours dans une maison de soins palliatifs nichée dans une pinède provençale. D’abord rétif, il tisse peu à peu des liens avec les pensionnaires, entre autres, une bourgeoise survivante (Emmanuelle Riva), une jeune fille rebelle (Julia Vaidis-Bogard), et un sidéen cinéphile (Patrick Lizana). Il s’attache surtout à une bénévole (Sandrine Bonnaire), prof de dessin, mère d’un garçon de neuf ans (Nathan Pavillon-Barré), qui a brutalement perdu son mari quelques années auparavant. Celui qui a peur de mourir et celle qui a peur de vivre vont s’apprivoiser, et réaliser qu’apprendre à vivre et apprendre à mourir sont les deux facettes indissociables d’une même condition humaine.
Sur ce sujet casse-gueule au possible, Jean-Pierre Améris et Caroline Bottaro ont écrit un scénario admirable, qui évite autant les écueils de la sécheresse que ceux de la mièvrerie. C’est d’autant plus remarquable que le film est inspiré de La Mort intime, écrit par Marie de Hennezel, psychologue spécialisée dans l’accompagnement des mourants. Ici, on est en pleine fiction, de celles qui touchent à la vérité autant, sinon plus, que le plus juste des documentaires. De plus, Jean-Pierre Améris a mêlé acteurs professionnels et amateurs, ces derniers, malades, jouant littéralement leur vie; et la frontière entre les deux est absolument invisible. Dutronc a la qualité de jeu qu’il avait dans Van Gogh, et Bonnaire joue à la perfection la carte de la gravité lumineuse.
Il y a du Pialat dans ce choix de ton et d’acteurs, et dans cette approche frontale, ce dénuement volontaire, cette saine violence qui naît lorsque le superflu est évacué. Mais, contrairement au réalisateur de Police, Améris n’est pas un ascète. C’est la vie est un film généreux, qui ne craint pas le ridicule et l’émotion. C’est un film qui, sans complaisance et sans morbidité, illustre bien cette grande vérité de La Palice: "Un quart d’heure avant sa mort, il était encore en vie."
Suivant à la lettre le dicton qui dit qu’"en France, tout finit par des chansons", C’est la vie est parsemé de nombreuses chansons, de Piaf (superbe séquence où Dutronc et Bonnaire chantent Mon manège à moi en karaoké) à Henri Salvador (Une chanson douce), en passant par Ella (sur des images bouleversantes: à vous de découvrir lesquelles…) et Dalida, avec son Dir La Da Da kitsch et libérateur.
Quiconque a eu à regarder la mort de près, la sienne ou celle des autres, et n’a pas détourné les yeux ne peut qu’être profondément bouleversé par ce film qui prend des risques, et montre superbement que, comme l’a écrit Céline, "la vie n’est qu’une ivresse; la vérité, c’est la mort".
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