Rétrospective Alain Resnais : Maître à penser
Alain Resnais est cet homme aux cheveux blancs, au visage aussi joyeux que celui de Peter Greenaway, qui a reçu ses prix sans ciller aux César, quand son dernier film, On connaît la chanson, a fait craquer le public français. Il est celui qui a monté presque en douce les marches rouges du Palais des festivals à Cannes la semaine dernière, puisqu’on rendait hommage à l’un de ses films, Je t’aime, Je t’aime. À 80 ans dans un mois, il passe inaperçu. Il est cependant l’un des plus grands cinéastes qui soient.
Alain Resnais
est cet homme aux cheveux blancs, au visage aussi joyeux que celui de Peter Greenaway, qui a reçu ses prix sans ciller aux César, quand son dernier film, On connaît la chanson, a fait craquer le public français. Il est celui qui a monté presque en douce les marches rouges du Palais des festivals à Cannes la semaine dernière, puisqu’on rendait hommage à l’un de ses films, Je t’aime, Je t’aime. À 80 ans dans un mois, il passe inaperçu. Il est cependant l’un des plus grands cinéastes qui soient. La Cinémathèque québécoise peut s’enorgueillir de présenter ce mois-ci une rétrospective magistrale des films d’Alain Resnais, la plus complète jamais orchestrée au monde! Des courts métrages rarissimes, présentés une fois à Paris, seront projetés ici.
François Thomas, fan absolu, prof et critique de cinéma à la revue Positif, et auteur d’entretiens avec le cinéaste (L’Atelier d’Alain Resnais, 1989, chez Flammarion) et d’un documentaire (L’Atelier d’Alain Resnais, autour d’On connaît la chanson), est venu partager la bonne nouvelle. Laquelle? Celle que les films d’Alain Resnais, comme certains livres, peintures et musiques, aident à mieux comprendre le monde, les hommes et la vie. Aident à mieux vivre. La chose est vérifiable! Que les boudeurs, sceptiques devant ce qu’ils croient être du délire intellectuel, soient confondus s’ils s’aventurent à la Cinémathèque les jours prochains.
D’abord, il y a un choc Nouvelle Vague qui, comme tous les chocs, ne s’explique pas vraiment mais reste tatoué: Hiroshima, mon amour. Un requiem en deux temps, celui de la destruction et celui de la passion. Moitié Duras, moitié Resnais, un ovni culturel qui propulse le cinéma dans une autre dimension. Et puis deux ans plus tard, c’est L’Année dernière à Marienbad. Re-boum. Musique envoûtante, hypnose continue, déconstruction structurelle de Robbe-Grillet, voix de Delphine Seyrig: comme 2001, Odyssée de l’espace, on ne comprend pas tout, mais depuis 1961, on en plane encore. Ensuite, il y a Muriel ou le temps d’un retour, où Boulogne-sur-mer devient le lieu du souvenir, celui du traumatisme de la guerre d’Algérie. Émotion brute. Et puis il y a Providence en 1977 qui, avec Huit et demi de Fellini, est probablement l’un des films les plus brillants sur le processus de création. Un chef-d’oeuvre. Mais Resnais n’est pas que fantasme et psychanalyse: La guerre est finie, Stavisky, Nuit et brouillard, Guernica, Le Chant du styrène, Les statues meurent aussi sont autant de préoccupations politiques et sociales précises.
Et puis, il y a la période récente, celle qui – pour les quadragénaires d’entre nous – implique que nous avons vu les films à leur sortie. Un plaisir immense chaque fois, car toujours, une impression de reconnaissance dans des formes et des sujets toujours surprenants: "Les liens entre les films de Resnais pourraient être une obsession de la construction, une extrême rigueur, une tonalité douce-amère, l’utilisation de la musique, une certaine véhémence, cherche François Thomas. Des films à messages, il y en a eu, puis sont venus Mon oncle d’Amérique, La vie est un roman, L’Amour à mort, Mélo, I Want to go Home. Il n’y avait pas de thèses, mais une synthèse d’éléments contradictoires. Smoking, no Smoking en est un bel exemple." Avant la prolifération vidéo, Thomas, si happé par les films de Resnais qu’il enregistrait les films en salle, sur cassette audio…
Resnais est aussi un des réalisateurs les plus culturellement ouverts, ce qui n’est pas une mince affaire dans le pays de codes qu’est la France: acteurs sans discrimination (Roger Pierre et Robert Manuel, comiques en contre-emploi; Ruggero Raimondi qui ne chante pas, Dussolier qui chante), la bédé en grand art (Flo’ch, Bilal), l’homme à hauteur du rat (Mon oncle d’Amérique et les théories de Laborit), l’amour de la comédie musicale et du théâtre de vaudeville avant l’heure (Alan Aykbourn pour Smoking, Dennis Potter pour On connaît la chanson), Resnais a l’érudition polyvalente et discrète: "Ses films sont imprégnés de toute une culture et servent de réflexion sur les autres arts", explique François Thomas.
Il faudrait encore des pages entières pour vanter ce mélange magique entre vraie nonchalance, élégance fluide et maîtrise totale que sont les films de Resnais. Il faudrait des pages entières pour essayer d’expliquer pourquoi ce diable de réalisateur fut le cavalier seul de la Nouvelle Vague, et pourquoi, au contraire de ses petits camarades regroupés dans l’enclos, il n’a pas fait école. Resnais n’est pas un artiste dont on se réclame. Un génie difficile à endosser,"peut-être Arnaud Desplechin ou Pascale Ferran", avance Thomas. Bref, regardons-le comme unique.
Une scène à partager, une de mes préférées dans l’univers cinéma: un panoramique ample, plan circulaire sur la nature, au réveil du cauchemar de Gielgud dans Providence. Émotion chronique et répétée.
À la Cinémathèque québécoise
Du 28 mai au 26 juin