Océan : Sur les rails
Cinéma

Océan : Sur les rails

C’est vrai que le temps devient élastique quand on voyage. Surtout quand on prend le train. Il n’y pas de trajet qui compte, il n’est pas non plus question de gagner du temps: on avance simplement, au rythme des roues martelées comme des secondes, et fixant un paysage qui défile, rapidement monotone. On se laisse porter… Si la plupart des gens adorent le train, les cinéastes aussi. Catherine Martin, auteure du superbe Mariages, propose un documentaire sur le plus vieux train de passagers au Québec et au Canada encore en  activité.

C’est vrai que le temps devient élastique quand on voyage. Surtout quand on prend le train. Il n’y pas de trajet qui compte, il n’est pas non plus question de gagner du temps: on avance simplement, au rythme des roues martelées comme des secondes, et fixant un paysage qui défile, rapidement monotone. On se laisse porter… Si la plupart des gens adorent le train, les cinéastes aussi. Catherine Martin, auteure du superbe Mariages, propose un documentaire sur le plus vieux train de passagers au Québec et au Canada encore en activité; il a un nom magnifique, Océan, et il part vers 19 h de Montréal pour filer jusqu’à Halifax. Mais si le train est en soi un sujet excitant, et aussi porte d’entrée bien commode à d’autres thèmes, il reste que c’est casse-gueule. Et dans Océan, certains n’y verront peut-être que 50 minutes d’ennui sur Via Rail. Quand est-ce qu’on arrive… Mais l’ennui fait partie du jeu. Ce petit film se regarde comme une page de journal intime, sur lequel on pourra bien lire ce qu’on voudra. Très peu de dialogues, juste pour appuyer la mélancolie de ce qui n’est plus; et de longs plans: de ceux qui travaillent à bord du train de nuit, d’oreillers chiffonnés, de gares toutes seules dans la brunante, et du soleil qui joue à cache-cache à l’intérieur des wagons. L’image est superbe (Carlos Ferrand) et les cadres ont la précision de tableaux. Une vision d’ensemble à la fois robuste et nonchalante.

Alors, si on se laisse un peu vagabonder, on pourrait voir que le train, machine splendide, d’acier patiné ou reluisant, de chrome, de gris, de beige propre, a un côté vieillot. Et dans la fixité de certains plans, on pose tranquillement nos souvenirs de cinéma: une Marilyn qui monte sur le train couchettes dans Some Like it Hot, comme le gars qui prépare le lit pour la nuit. Et dans cette belle photo du wagon de queue où les fauteuils se font face, Farley Granger et Robert Walker font connaissance au début de Strangers on a Train, d’Hitchcock. C’est fait pour ça, un train. Pour rêvasser, pour s’écouter rêvasser. En cela, le film de Martin a le bon tempo.

Par ses intrusions "humaines", elle ne saccage pas le charme avec des explications. Elle ouvre la porte au déplacement, temporel ou physique: la promesse d’un ailleurs, qu’il n’est pas nécessaire de voir, et le souvenir d’un temps où le train était plus fringant. Le travelling va dans tous les sens. Dans cette approche au voyage, Catherine Martin rejoint la poésie vagabonde d’un Gilles Lapouge, globe-trotter et écrivain pas comme les autres.

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