CQ : Premiers pas
Parfois, on arrive avec un premier film comme ça, et on le livre au public, sans avoir un lourd passé derrière soi qui pourrait entacher l’oeuvre elle-même. Mais quand on s’appelle Roman Coppola, fils d’un démiurge du septième art, on ne peut, l’air malin, déposer son oeuvre sans que le milieu ne l’attende en se frottant les mains, l’air affamé. La question: Le talent est-il héréditaire?
Parfois, on arrive avec un premier film comme ça, et on le livre au public, sans avoir un lourd passé derrière soi qui pourrait entacher l’oeuvre elle-même. Mais quand on s’appelle Roman Coppola, fils d’un démiurge du septième art, on ne peut, l’air malin, déposer son oeuvre sans que le milieu ne l’attende en se frottant les mains, l’air affamé. La question: Le talent est-il héréditaire?
Ainsi, dans CQ, on fait la rencontre de Paul Ballard (Jeremy Davies), monteur de films dans un Paris tout chaud encore de Mai 68, où se tourne une S-F (cousine de Barbarella), soulagée de son réalisateur réactionnaire (Gérard Depardieu), tombé amoureux de sa star (Angela Lindvall). Le producteur (Giancarlo Giannini, en cousin de Dino de Laurentiis) lui cherche un ultime remplaçant en la personne de Paul, après qu’un premier candidat a jeté la serviette, victime d’un accident.
Un sentiment constant d’être en terrain connu nous habite, comme si l’auteur distillait les atmosphères de sa jeunesse "cinéphilique" des années 60 et 70 (Papa Coppola oblige) pour nous les resservir comme autant d’évocations de l’époque. Quand Paul commente son quotidien sur sa caméra portative (comme le ferait un vidéaste d’aujourd’hui), et qu’il combat les interventions de sa copine (Elodie Bouchez), on fricote, à la fois avec Truffaut (pensez le cycle Antoine Doinel) – pour le côté vie conjugale – et avec Godard, pour l’aspect expérimental. L’imaginaire de Paul déborde dans la réalité, quand lui aussi succombe pour son actrice, qui, semblable à une muse dans ses rêveries, l’inspire à trouver les solutions nécessaires pour terminer le film. On n’est jamais loin de la grande influence de 8 1/2, dans ce thème de l’artiste en quête de parachèvement, et de La Dolce Vita, en ce qui a trait à la vie nocturne endiablée lors du court voyage en Italie. Mais l’hommage ne fait qu’effleurer les maîtres.
Justement, malgré ses innombrables sources d’inspiration, Roman Coppola n’arrive pas à nous laisser une impression marquante de ce monde saveur sixties. Tout au plus, on se sent comme Paul, un peu sans vie, sans grandes émotions ni passions ressenties réellement, somme toute à l’écart de ces fabrications de réalités qui s’enchevêtrent. Serait-ce attribuable au jeu distant et froid de Jeremy Davies? ou bien à cette décision de tout tourner en anglais (sauf certaines phrases en arrière-fond), espérant ainsi toucher un plus grand public? Quoi qu’il en soit, on ne peut blâmer ni la photo ni la direction artistique, adroitement rendues respectivement par de vieux routiers comme Robert D. Yeoman et Dean Tavoularis.
Sans être une oeuvre incontournable, CQ se laisse regarder sans que nous ne devancions les événements. On goûte le film avec l’intime conviction de ne pas avoir affaire à un original mais à une approximation, une saveur artificielle. Le fils Coppola lance juste assez de poudre aux yeux pour s’en tirer quasiment indemne, en réussissant toutefois moins bien ses classes que sa soeur Sofia (The Virgin Suicides). Un talent héréditaire? Cela reste à voir…
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