Roberto Succo : Sous observation
Roberto Succo est le genre de film qui rafraîchit en plein été. Non pas qu’il soit rafraîchissant à la façon d’un popsicle, mais plutôt comme une douche glacée. Réalisé par Cédric Kahn (L’Ennui), Roberto Succo est un film bleu acier et coupant, comme les yeux de son héros.
Roberto Succo
est le genre de film qui rafraîchit en plein été. Non pas qu’il soit rafraîchissant à la façon d’un popsicle, mais plutôt comme une douche glacée. Réalisé par Cédric Kahn (L’Ennui), Roberto Succo est un film bleu acier et coupant, comme les yeux de son héros.
Présenté à Cannes l’année dernière, il avait créé de la houle chez les policiers français, assez chatouilleux. Il faut dire que le sujet ne leur plaisait pas beaucoup: Roberto Succo était aussi un tueur de flics. Pour ce film, Kahn est parti du livre de la journaliste Pascale Froment, Je te tue. Histoire vraie de Roberto Succo. Elle y raconte qu’à 19 ans, en 1981, le jeune Succo a tué père et mère, chez eux, près de Venise. Évadé d’un asile psychiatrique, on retrouva sa trace cinq ans plus tard, entre la Côte d’Azur et la Savoie, après quantité de meurtres, de viols, d’agressions et de cambriolages. Succo finira de façon tragique, après s’être déclaré prisonnier politique sur le toit d’une prison en Italie, en mai 1988. Entre les deux, une jeune fille l’aurait aimé.
La jeune fille, Léa, prend les traits d’Isild Le Besco; Succo, ceux d’un nouveau venu très convaincant, Stephano Cassetti; et Thomas, le flic acharné qui le traque, ceux de Patrick Dell’isola. Et le film se résume à cela: une enquête quasi documentaire, froide et rigoureuse dans sa logique policière, entrecoupée de passages "amoureux" où Succo, sous une fausse identité, semble quasi normal en compagnie de Léa; et de passages "meurtriers" où, loin d’elle, il vaque à ses habitudes: tuer, violer et voler. On a reproché au film un ton détaché, un aspect clinique qui ne prend pas position: Succo est-il un monstre sanguinaire ou une victime de la société? Kahn, un peu à la manière de Dumont (L’Humanité), a choisi de ne pas donner d’orientation, et on reste seul à dresser le portrait. Ce qui est bienvenu pour ce genre de sujet sanguinolent.
En suivant les faits pas à pas, avec de nombreuses photos, en ne montrant qu’un seul meurtre (celui où il y a eu des témoins), en restant donc très sobre côté violence physique, en jouant le minimalisme de la musique et des dialogues, et en filmant le tout en scope, Kahn accentue l’isolement du personnage. Le film est construit en entonnoir avec, en finale, une excellente scène, tendue au possible, entre Succo et son otage, une institutrice pleine de sang-froid. On montre donc le criminel le plus simplement possible, avec le moins d’effet dramatique. Kahn ne veut pas en faire un héros. Il n’est ni aimable, ni détestable. Et c’est bien là l’aspect le plus fascinant de son oeuvre. Comme dans le film australien Chopper: on se retrouve face à un type moins flamboyant que Chopper, mais trop instinctif pour être un tueur en série, et trop calculateur pour pencher complètement vers la folie. On dirait une machine amorale, un animal intelligent, mais qui ne donne aucune raison pour ses actes. Dangereux.
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