Reines d’un jour : Rien ne va plus
De Personne ne m’aime à Rien à faire, en passant par Love etc., MARION VERNOUX signe des comédies dramatiques au ton doux-amer où elle fait montre d’une grande observation et d’un sens aigu du dialogue. D’ordinaire plutôt sage, elle s’éclate avec Reines d’un jour, une tragicomédie chorale où quatre individus vivront une journée pour le moins mouvementée. Entretien avec la réalisatrice-scénariste.
La journée commence bien mal pour Marie (Hélène Fillières) lorsqu’elle se découvre enceinte d’un homme marié. Heureuse que son mari s’absente pour le week-end, l’orthophoniste Hortense (Karin Viard) passe tout son temps cellulaire en main dans l’espoir de joindre son amant. Au volant de son autobus, Luis (Sergi Lopez) reçoit la visite inopinée de sa femme venant lui annoncer qu’elle le quitte. De son côté, Maurice (Victor Lanoux) attend avec impatience l’arrivée de Jane (Jane Birkin), une ancienne flamme. De nombreuses contrariétés ponctueront les prochaines 24 heures…
Rappelant Short Cuts d’Altman et Il y a des jours… et des lunes de Lelouch, Reines d’un jour se révèle une comédie ludique où la réalisatrice s’est fait plaisir en jouant avec les ruptures de ton, les procédés de mise en scène et les effets spéciaux. Séquences oniriques et voix off pour Hortense, effets d’accéléré et de décéléré pour Marie, scènes fantaisistes pour Maurice qui imagine sa rencontre avec Jane comme un photo-roman…
Contrairement à ce qu’elle avait fait pour son avant-dernier film, Marion Vernoux souhaitait se concentrer sur plusieurs personnages et leur faire vivre des tas de situations. "De tous les films que j’ai faits, c’est celui où j’avais le moins de références à quoi que ce soit, affirme-t-elle en entrevue. C’est plutôt dans le désordre que les idées me sont venues, l’écriture s’est déroulée sur une assez longue période. J’ai tourné Rien à faire entre plusieurs étapes d’écriture de Reines d’un jour. C’est d’abord le personnage de Marie qui m’est apparu un beau jour, et je me suis demandé ce qui pourrait bien lui arriver. Pour le personnage d’Hortense, c’est plutôt la situation qui m’est venue au départ: ce qu’une femme mariée peut faire de sa liberté pendant 24 heures. Pour Rien à faire, il fallait une rigueur incroyable pour ne pas sortir de ce duo, de cette banlieue. Ce coup-ci, j’avais envie de tout y mettre."
Vernoux n’a voulu s’imposer qu’une contrainte: le temps. "Je savais que le fait de resserrer le temps donnerait quelque chose qui ne soit pas languissant, où des personnages agissent en urgence, en se prenant les pieds dans le tapis, en ne faisant pas toujours bien. Le temps conférait même quelque chose de comique à leur comportement, comme une espèce d’accélération absurde de l’ordre, comme si cela grossissait leurs défauts. Rien à faire s’étendait sur un très long temps entre deux personnages; je crois que j’ai eu envie de faire exactement le contraire, de me mettre un carcan de 24 heures pour que les choses explosent, alors qu’elles étaient beaucoup plus souterraines dans Rien à faire."
Alors que Jeanne Labrune partait des petits riens du quotidien, tel l’entreposage des meubles, pour construire son étude de moeurs Ça ira mieux demain, Vernoux a choisi des thèmes plus graves, comme la maternité et la fidélité, afin d’explorer les travers de ses contemporains. Sans toutefois atteindre la finesse du Goût des autres du tandem Jaoui-Bacri. Néanmoins, Vernoux et sa grande amie scénariste et lexicographe Nathalie Kristy réussissent à tracer deux charmants portraits de femmes: l’une dans la vingtaine et incertaine de son avenir; l’autre dans la trentaine et insatisfaite du présent.
Quant aux deux principaux protagonistes masculins, les scénaristes semblent les avoir négligés quelque peu, car ils nous paraissent bien pâles. En revanche, les personnages secondaires sont colorés, notamment les collègues et les patients d’Hortense qui se plaisent à la conseiller sur sa vie sentimentale. La direction d’acteurs s’avère plus que satisfaisante. Karin Viard brille de tous ses feux ("Karin a une interprétation si inventive que l’on redécouvre le texte que l’on a écrit bien qu’elle n’en change pas un mot", note la réalisatrice). Hélène Fillières se montre très convaincante. Jane Birkin se prête avec grâce et générosité aux transformations physiques que lui imposent les fantasmes de Maurice qu’incarne le très émouvant Victor Lanoux. Un bémol: Sergi Lopez, sous-employé, joue la carte de l’hystérie.
Reines d’un jour annonce-t-il un virage dans l’oeuvre de Marion Vernoux ou s’agit-il d’une fantaisie de passage? La réalisatrice ignore si elle continuera à travailler ainsi mais elle avoue: "De tous les films que j’ai faits, Reines d’un jour est celui avec lequel je suis le plus d’accord." À suivre.
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