Full Frontal : Faux-semblant
Cinéma

Full Frontal : Faux-semblant

Puisque le sujet est sans fond, voici donc encore une pelletée de la triste vie des vedettes. Mais soyons vicieux, mettons plusieurs degrés de voyeurisme cynique sur la chose et cela finira bien par devenir une satire. Ou un hommage. Ou les deux, selon l’humeur. Steven Soderbergh, adoré de toute la meute hollywoodienne, vient de faire un faux  pas.

Puisque le sujet est sans fond, voici donc encore une pelletée de la triste vie des vedettes. Mais soyons vicieux, mettons plusieurs degrés de voyeurisme cynique sur la chose et cela finira bien par devenir une satire. Ou un hommage. Ou les deux, selon l’humeur. Steven Soderbergh, adoré de toute la meute hollywoodienne, vient de faire un faux pas. Ce n’est pas le premier dans sa carrière, mais depuis cinq ans, son impressionnante montée en flèche (Out of Sight, The Limey, Erin Brockovich, Traffic, Ocean’s Eleven et le très attendu Solaris, remake du Tarkovski) semblait le garder à l’abri des erreurs. En essayant de prendre une pause de son piédestal, le réalisateur s’est tordu la cheville.

Il y avait dans Full Frontal la promesse d’un petit film tout simple, tourné entre amis (Julia Roberts, David Duchovny, Catherine Keener, David Hyde Pierce, Blair Underwood et, en eux-mêmes, Brad Pitt et Terence Stamp), avec un code anti-stars sur le plateau, et un tournage très court… mais la simplicité n’est qu’un leurre. Et là est peut-être la chose la plus fascinante de ce film: en essayant de rendre crédible un autre discours sur l’identité et la perception de la réalité, en voulant nous lancer sur plusieurs pistes du vrai et du faux (un film dans un film), Soderbergh prouve une chose bien malgré lui: s’il est toujours un surdoué de la structure, il a acquis ce dédain étrange de ceux qui vivent dans une bulle. Au contraire de ce qu’il veut démontrer, son amour du cinéma et des acteurs ne transparaît pas dans l’exposition de ces existences désabusées, obsédées par l’image, et ennuyées par la vie.

La fiction dans le film est tournée en 35 mm, et la "vraie" vie est en vidéo granuleuse. Pire que ça, quand Soderbergh lui-même traverse l’écran, c’est avec une boîte noire sur la tête… plus on s’approche du réel, plus cela devient impossible à montrer? Soderbergh semble vouloir se (et nous) persuader du contraire, en mettant en générique de fin une chanson intitulée Do Something Real… Tentons une avenue qui puisse rendre cette masturbation artistique acceptable: nous sommes prisonniers d’une grande fumisterie où la création n’existe pas (articles de magazines insipides, théâtre débile, stars capricieuses, boîtes de production vénales). À côté, Sex, Lies and Videotape transpire l’honnêteté. Du mauvais Mike Figgis.

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