Sur mes lèvres : Jungle urbaine
Cinéma

Sur mes lèvres : Jungle urbaine

Pas besoin de recette pour réussir un film. Jacques Audiard, fils de Michel le magnifique, réalisateur talentueux de Regarde les hommes tomber et d’Un héros très discret, a le flair et le savoir-faire. Avec Sur mes lèvres, il signe un troisième long métrage qui louvoie dans les genres sans vraiment se poser, mais qui passe avec aisance de la chronique sentimentale tristounette au thriller costaud.

Pas besoin de recette pour réussir un film. Jacques Audiard, fils de Michel le magnifique, réalisateur talentueux de Regarde les hommes tomber et d’Un héros très discret, a le flair et le savoir-faire. Avec Sur mes lèvres, il signe un troisième long métrage qui louvoie dans les genres sans vraiment se poser, mais qui passe avec aisance de la chronique sentimentale tristounette au thriller costaud. On pourrait aussi parler de polar actuel, avec caméra épaule, gros plans et ralentis; de film d’acteurs très début des années 80, époque Dewaere; ou encore de néo-film noir non psychologique. Et puis aussi de film d’amour.

Qu’importe le mélange. Voici une bonne histoire, bien racontée, simple et haletante. Et si bien jouée que cela soulage. Clara (Emmanuelle Devos), secrétaire passe-muraille, au physique banal, esclave d’une poignée de pauvres types dans un bureau, engage quelqu’un pour l’aider. Il s’appelle Paul (Vincent Cassel), il sort de prison et doit se tenir tranquille. Clara est sourde, elle lit sur les lèvres. Elle lui apprend les bonnes manières, lui les mauvaises. Des regards clairs des deux héros, Audiard ne filme souvent qu’un oeil. On retient aussi les petits yeux affolés du truand, Olivier Gourmet, le Belge toujours aussi bon. Les dialogues, souvent étouffés, avec des mots avalés, sont éparpillés sur une bande-son très travaillée: Audiard et Tonino Benacquista, scénariste, ne donnent pas beaucoup d’indices quant aux motifs. Ils n’éclairent pas le passé et ne jugent pas les raisons. On avance avec l’action de façon plus animale qu’intellectuelle. On se perd aussi un peu dans une histoire secondaire, et la finale tombe raide et façon bien commode, mais l’énergie étrange de ce film décalé prend le dessus.

Devos a gagné le César de la meilleure actrice. Elle est parfaite, une version moderne de la femme fatale. Manipulatrice et malheureuse, elle s’enhardit au contact de Paul, qui parle aussi peu qu’elle, sobre Cassel, brusque comme une petite frappe. Il n’a jamais été aussi juste. Du Depardieu dans Loulou. Et dans un film où l’amour prend des chemins étranges et sensuels pour s’exprimer, Audiard a réussi une rareté: dénicher un vrai couple de cinéma, une alliance digne des plus grands polars.

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