Possession : Maux d’amour
Avec un titre pareil, Possession, de Neil LaBute (In the Company of Men, Your friends & neighbors, Nurse Betty), ne penche pas vers les histoires d’ectoplasme, mais vers la passion amoureuse, artistique et professionnelle qui animerait et consumerait certains êtres.
Avec un titre pareil, Possession, de Neil LaBute (In the Company of Men, Your friends & neighbors, Nurse Betty), ne penche pas vers les histoires d’ectoplasme, mais vers la passion amoureuse, artistique et professionnelle qui animerait et consumerait certains êtres. L’intrigue, propulsée par l’artifice du récit épistolaire, nous donne droit à deux histoires d’amour qui se chevauchent entre le passé et le présent. Nous parlons bien ici de correspondance, dans tous les sens du terme… Ajoutons que le film est tiré du roman d’A.S. Byatt, gagnant du Booker Prize en 1990.
Roland Michell (Aaron Eckhart, fidèle de LaBute, et étonnant caméléon), un Américain lettré nouvellement attitré au British Museum, s’intéresse à une missive importante provenant du poète fictif Randolph Ash (Jeremy Northam). Ne suivant que son instinct, il rend visite à Maud Bailey (Gwyneth Paltrow), spécialiste de la poétesse aussi fictive Christabel LaMotte (Jennifer Ehle, très Meryl Streep dans The French Lieutenant’s Woman), pour confirmer sa théorie sur une relation d’adultère, improbable mais possible, entre ces deux artistes. De la découverte des documents naît la passion.
Le film assume fièrement son genre romantique, avec tout le côté fleur bleue qu’il peut véhiculer. Mais LaBute s’amuse avec les conventions d’un genre cinématographique essoufflé qu’il transgresse légèrement en proposant une comparaison (les codes, les gestes et les mots du coup de foudre ne sont plus les mêmes à un siècle de différence) et en la questionnant avec toute l’acidité qu’on lui connaît. Notamment, sur les petites pointes entre États-Unis et Angleterre, ou dans une chambre d’hôtel dotée d’un seul lit double, Eckhart et Paltrow ne sachant pas trop quoi répondre quand l’hôtesse suggère un lit de camp, tellement ils s’embourbent à se décoder l’un l’autre. Et au bord de la mer, tentant de parler de leur situation, ils réfutent, et trouvent des échappatoires pour ne pas gérer ce gros sentiment: autant les lettres de l’époque victorienne avaient servi à communiquer précisément l’amour, autant le verbiage actuel n’est qu’approximation.
Entre les deux romances, celle d’un autre temps fait vibrer davantage. Le réalisateur a-t-il pris parti vers le plus romantique ou est-ce que la fusion Eckhart/Paltrow réussit moins à convaincre? Toujours est-il que Possession trouve le juste équilibre, sans rupture de ton (sauf peut-être dans une scène finale rocambolesque). Jean-Yves Escoffier, directeur photo réputé (Mauvais sang, Gummo), apprivoise sans effort la lumière des îles britanniques, avec sa touche de gris-va-t-il-pleuvoir et Gabriel Yared (The English Patient) compose une musique étonnamment moins lyrique que le sujet laissait présager. Plusieurs fois, les transitions d’époque s’effectuent dans le même plan, sans coupures. La caméra ne fait qu’un mouvement panoramique, dissimule un couple pour exposer l’autre, instaurant ainsi un lien quasiment tangible entre deux façons de voir l’amour. Simple, mais efficace. La correspondance a lieu, et le passé sert encore à renouveler le présent.
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