Festival international du film de Québec : Plein écran
Cinéma

Festival international du film de Québec : Plein écran

Au delà de la polémique entourant le rôle peu enviable de succursale du FFM qui revient au Festival international du film de Québec depuis de nombreuses années, une myriade de films, dont certains incontournables, sont tout de même proposés aux cinéphiles locaux de toutes allégeances. Beau programme.

À première vue, la programmation du FIFQ de cette année apparaît plus riche que par les années précédentes. D’abord parce que le souci d’y créer des lieux de discussion en présentant de plus nombreux films aux thématiques connexes se concrétise de façon plus substantielle, mais aussi car les longs métrages d’ailleurs comme d’ici qui y seront présentés s’illustrent pour la plupart par leur originalité et par une certaine causticité qui n’est certainement pas l’apanage du cinéma destiné au grand public. Sélection.

Blanc est noir
Il faudra patienter jusqu’à la toute fin avant de pouvoir savourer le cocktail doux-amer que nous servira Michel Blanc en guise de clôture du FIFQ. Embrassez qui vous voudrez se présente comme un chassé-croisé à la Robert Altman où une pléiade de personnages plus névrosés les uns que les autres vivent avec nombre tumultes la continuation de leurs rapports amoureux et sexuels. Le couple modèle (Jacques Dutronc et Charlotte Rampling) se révèle le pire des désastres; les meilleures amies, des traîtresses; les mères de famille, un cauchemar.

Entre la tentative de suicide de l’un, les innombrables mensonges de tous et le terrible poids de la jalousie maladive de certains, Blanc brosse un portrait réaliste mais atterrant du couple moderne dans toutes ses contradictions et ses non-sens, menant habilement une poignée d’acteurs étoiles jusqu’aux confins du maelström des relations qui tournent au pire, rongées par le temps et la déliquescence de l’amour.

Malgré toute cette noirceur, Michel Blanc parvient cependant à insérer un humour qui lui est propre, jamais facile, parfois troublant, mais essentiel à la survie des personnages happés par ce malheur qui semble inévitable. Une étude de moeurs à la fois réaliste, terrifiante et divertissante.

Balkans Story
Dans un tout autre registre, la production canado-yougoslave Boomerang est l’une de ces petites merveilles qui peuplent les festivals de cinéma: ces drôles d’objets incongrus qui provoquent l’émerveillement chez certains et l’incompréhension totale chez les autres, mais ne laissent absolument personne indifférent.

Dans un Belgrade qui se relève à peine d’une guerre fratricide des plus sanglantes, des personnages impossibles, rivalisant de loufoquerie, se croisent au café Boomerang, débit de boisson surréaliste tenu par Bobby, un marchand d’armes illicites au bord de la folie. Délires absurdes, mariée assassinée à la sortie de l’église, madame-pipi cocaïnomane aspirant à la présidence: cette comédie noire s’illustre par son ton irrévérencieux, sa troublante banalisation de la violence et son regard absolument tordu sur l’amour, le destin et l’ambition.

Te souviens-tu?
Belge d’origine, ayant habité au Canada anglais pendant une trentaine d’années, le cinéaste Thierry Lebrun est fasciné par la teneur politique de la devise du Québec qui, contrairement à celles de ses provinces voisines, va bien au delà du simple message racoleur destiné aux touristes.

De quoi les Québécois doivent-ils se souvenir? Quel rôle tient l’histoire du Québec dans le quotidien de ses habitants? C’est ce que Lebrun tente de découvrir avec ce documentaire de l’ONF intitulé Je me souviens – A Licence to Remember, interrogeant tour à tour des Mohawks, des chauffeurs de taxi, des immigrants et des "pure laine", des passants, des activistes anglophones et francophones de toutes les allégeances politiques possibles ainsi que quelques figures connues telles que Janette Bertrand, Pierre Falardeau et les Loco Locass.

Souvent faussement candide et donc un peu tordu, ce documentaire révèle non seulement l’ignorance crasse de certains citoyens – thème éculé -, mais aussi les multitudes de formes que prennent le révisionnisme et les racines d’un conflit interculturel qui perdure malgré le travail du temps. Un regard de l’extérieur, et donc nécessairement plus objectif, qui mène à l’essentielle réflexion sur les notions de patrie, de nation et d’appartenance. Yours to discover.

Aussi à surveiller:
Parmi les autres longs métrages au programme, Women without Wings met en scène une jeune femme d’origine albanaise devant retourner au pays de ses ancêtres à la mort de son grand-père, en pleine guerre civile. Un retour aux racines qui transformera complètement l’existence de cette serveuse blasée dont les relations amoureuses ne sont qu’une interminable suite de culs-de-sac. Ne serait-ce que pour y voir une Micheline Lanctôt en guérillero des montagnes, ce film vaut le détour.

Le nouveau Brad Fraser, Leaving Metropolis, devrait lui aussi faire tourner quelques têtes puisque l’auteur de théâtre canadien adapte ici sa propre pièce (De l’amour et des restes humains avait été adapté par Denys Arcand) intitulée Poor Super Man, faisant comme à son habitude référence aux thèmes de l’urbanité, des dédales de la sexualité post-moderne et de la mort. Glauque mais essentiel.

Le Voyage inachevé pose quant à lui un regard attendri sur les survivants de la tragédie des Éboulements, quatre ans plus tard. Décimé par ce drame, le petit village de Saint-Bernard se relève tranquillement, montrant à travers la lentille intimiste du cinéaste qu’après le deuil, les familles ont repris le dessus, déplorant pourtant ce vide omniprésent qui leur rappelle sans cesse leur perte. Touchant, ne tombe jamais dans le sensationnalisme, mais un peu linéaire.

S’il est un incontournable cinématographique en cette période de remise en question de l’Église et de la papauté, il s’agit du long métrage italien intitulé Les Banquiers de Dieu – L’Affaire Calvi. Présenté au FIFQ en première canadienne, ce film rappelle l’histoire du banquier Roberto Calvi, financier véreux ayant détourné les fonds de la banque de Ambrosiano dans les années 70 à des fins personnelles et politiques. Film coup de poing.

Du 30 août au 7 septembre

Au cinéma Place Charest


Orient électrique

Berceau de ce que l’Occident reconnaît désormais comme "la cinquième génération du cinéma chinois", la ville de Xi’an possède l’un des studios cinématographiques les plus prolifiques de la Chine moderne. Accueillant depuis les années 1980 des cinéastes de la trempe de Chen Kaige (Adieu ma concubine) et de Zhang Yimou (Épouses et concubines), Les Studios de Xi’an ont contribué à diffuser le cinéma chinois en Occident, permettant à certains chefs-d’oeuvre nationaux – souvent ignorés dans leur propre pays, enterrés qu’ils sont sous le raz-de-marée hollywoodien – de faire le tour des festivals européens et américains, séduisant au passage un auditoire sans cesse grandissant. Profitant du jumelage Québec-Xi’an qui a permis au public d’ici de s’initier aux merveilles de cette civilisation millénaire, le FIFQ reçoit cette année une délégation de réalisateurs, de producteurs et d’acteurs chinois. L’organisation du Festival met également à l’affiche cinq des meilleurs films produits à Xi’an au cours des 16 dernières années, soit La Ballade de la rivière Jaune, Stand-up Straight, Pretty Big Feet, A White Horse Named Feifei et Steal Happiness. De l’avis de Serge Lozique, président-directeur général du FIFQ, "Xi’an est un creuset qui contient la beauté et le grand potentiel du cinéma chinois". Rien de plus naturel, alors, que de voir ses réalisations atterrir sur nos écrans, suscitant un intérêt renouvelé chez un auditoire curieux et de plus en plus fidèle à l’art chinois actuel, dont le cinéma constitue, depuis plus d’un siècle, l’un des rouages essentiels. Pour plus d’information, consultez le site www.fifq.org ou appelez au 522-7577. (C.Morency)