FFM : Vues aperçues
Cinéma

FFM : Vues aperçues

: Pas facile, la programmation d’un festival. D’un côté, les bons coups (ramenés de Rotterdam) et les valeurs sûres (Michel Blanc et compagnie), et de l’autre, l’abysse. Faut plonger pour savoir. À visionner en trombe film sur film, on se demande parfois si l’on n’est pas victime d’hallucination collective. Comme si on avait affaire à des pêcheurs japonais qui lancent leur immense filet et qui prennent tout, sans discernement. C’est le meilleur moyen de se retrouver avec des nanars. Heureusement, on chope parfois un dauphin.

Pas facile, la programmation d’un festival. D’un côté, les bons coups (ramenés de Rotterdam) et les valeurs sûres (Michel Blanc et compagnie), et de l’autre, l’abysse. Faut plonger pour savoir. À visionner en trombe film sur film, on se demande parfois si l’on n’est pas victime d’hallucination collective. Comme si on avait affaire à des pêcheurs japonais qui lancent leur immense filet et qui prennent tout, sans discernement. C’est le meilleur moyen de se retrouver avec des nanars. Heureusement, on chope parfois un dauphin.

On ira donc très rapidement sur le dernier film de Krzysztof Zanussi, Supplement. Le hérault de la nouvelle vague polonaise semble en retard d’au moins trois décennies avec son histoire de chair et d’esprit, coincée dans la crise existentielle d’un jeune couple. D’accord pour avoir un supplément d’âme, mais le thème est si lourdement interprété et mis en scène qu’on en reste coi, surtout de la part d’un des fidèles du FFM.

Passons aussi en vitesse sur Giorni, de Laura Muscardin, une réalisatrice de documentaires qui propose sa première fiction. On y raconte l’histoire de Claudio, banquier et séropositif, qui tombe sous le charme d’Andréa, serveur dans un restaurant. Amour fou et mort dans une mise en scène téléfilm. À nos risques et périls. Italie toujours, mais film catastrophe: Vajont, de Renzo Martinelli, où s’engluent les talents de Daniel Auteuil, Michel Serrault et Laura Morante. Morts et cafouillage politique, on y décrit très pesamment la chute du Mont Toc sur un village dans les années 60.

On aime
Go, d’Isao Yukisada (Sunflower, une histoire de premier amour assez réussie), raconte un autre amour d’ado, mais le superpose à un problème sensible, celui des immigrants asiatiques au Japon. Il est de parents coréens, elle est 100 % japonaise; il est rapide avec ses poings, elle ne le rate pas avec ses mots. La trame est simplette, le film part dans tous les sens, mais quelques scènes ne manquent pas de saveur, surtout celles entre le fils et le père boxeur professionnel fataliste.

Un documentaire saisissant qui donne la parole aux victimes de Mao: La Fille de Yanan (Enan no musume), du Japonais Ikeya Kaoru, retrace le parcours de Haixia, une femme du nord-est de la Chine qui recherche ses parents naturels, des anciens gardes rouges "envoyés" de Pékin pendant la Révolution culturelle. Pour l’aider dans sa quête, Yuling, accusé d’actes anti-révolutionnaires durant cette période.

Présent à Cannes: au-delà du récit de cette courageuse jeune fille parcourant Jérusalem à la recherche de son fiancé, le lumineux Rana’s Wedding, de Hany Abu-Assad, témoigne de la détermination du peuple palestinien et d’une réalité tragique. En parallèle, ne pas manquer Kedma, d’Amos Gitai (Kadosh), pensée et coups de gueule de l’auteur sur le conflit israélo-palestinien en synthétisant les différences lors de la création d’Israël. Fort et différent.

D’Italie encore, et mettant en vedette l’excellent Giancarlo Giannini, The Bankers of God – The Calvi Affair, de Giuseppe Ferrara (Cent jours à Palerme), tente de lever le voile sur le mystère entourant la mort du banquier Roberto Calvi, retrouvé pendu en 1982 à Londres, à la suite des scandales financiers impliquant la mafia et le Vatican. Un thème qu’il affectionne. Sulfureux et corsé, évidemment.

Côté Canada, dans Three and a Half, Boris Mojsovski (qui avait déjà présenté deux courts au FFM, Stop et Symphony) ne manque pas de poésie, mais il est parfois difficile de suivre avec autant d’intensité ses trois récits de créateurs (cinéaste, peintre et écrivain) qui laissent leurs histoires et leurs héros prendre vie. Lenteur agréable et cadrage simples et soignés dans le récit presque sans paroles de cette immigrante amoureuse d’un réparateur de fenêtres. Premier long métrage également pour Deborah Day, avec Expecting. Assez marrante cette journée folle où Stéphanie, artiste granola et grande amoureuse, accouche au milieu de ceux qu’elle aime. Pas de dialogues écrits, mais un ton tendre et des acteurs justes: une impro joyeuse et sans douleur. À ne pas manquer: Claude Jutra, portrait sur film. Grâce aux témoignages des amis du cinéaste (Michel Brault, Saul Rubinek, etc.), à des extraits de films et des documents d’archives, Paule Baillargeon démystifie avec respect et sensibilité des aspects moins connus de la personnalité complexe du grand réalisateur québécois. To My Birthmother, de Beverly Shaffer, prend la forme d’une lettre qu’adresse une jeune femme à sa mère biologique qui l’a abandonnée à sa naissance. Un film intimiste qui ne tombe pas dans le mélo grâce à la personnalité volontaire et attachante de sa protagoniste. Dans Un certain souvenir, nous suivons le réalisateur Thierry Le Brun, sympathique Belge ayant roulé sa bosse un peu partout, qui, plaque d’immatriculation en main, interroge Monsieur et Madame Tout-le-monde sur la signification de la fameuse devise "Je me souviens". Les participants y vont de leur interprétation dans ce documentaire drôle et intelligent auquel prennent part Loco Locass, Pierre Falardeau et Janette Bertrand.

ONF/Animation
Avec son graphisme rappelant l’oeuvre de Miró et ses enchaînements ludiques, Flux, de Chris Hinton, raconte de manière déjantée l’histoire d’une famille toute simple. De la série AnimaPaix sur la résolution de conflit, l’amusant Elbow Room/Distances, de Diane Obomsawin, met en scène deux collègues de bureau qui tenteront de trouver une solution au manque d’espace de travail. Narré par John Neville, le très beau Sea and Stars, d’Anna Tchernakova, est le récit de l’étrange histoire d’amour d’un poisson pour un pêcheur! Dans The Hungry Squid, de John Weldon, une jeune fille a maille à partir avec le conseiller de l’école qui refuse de croire que des animaux ne cessent de dévorer ses devoirs. Cette petite satire du système scolaire a été tournée en "recyclomation numérique", animation économique mise au point par le réalisateur et qui consiste à mélanger photographie et marionnettes. Entrecoupé de séquences d’animation de Frédéric Back, le superbe long métrage de Jean Lemire, Mémoires de la terre, se veut un hommage au peuple autochtone haïda qui habitait autrefois les îles de la Reine-Charlotte en Colombie-Britannique.

Coup de coeur
La grosse rigolade vient du documentaire Absolut Warhola, de Stanislaw Mucha, réalisateur polonais qui part avec une équipe légère sur les traces de la famille d’Andy Warhol, dans un petit hameau perdu entre la Pologne et l’Ukraine. On boit, on chante, on s’approprie le cousin Andy de Manhattan. Mais c’est si loin. Et puis Warhol, avec ses cheveux de singe et ses Campbell Soup, ça devient vite secondaire. Les personnages croisés dans ce film sont plus vivants et colorés. Aimables et émouvants, dignes d’un film de Tati. Chômage, vieillesse, racisme, pauvreté et retombées de Tchernobyl: on n’a pas pire comme toile de fond. Et pourtant, on rigole sec. Pour les fous rires, notez des cèpes géants, des verres de schnaps, un musée pop art qui fuit et un tracteur fait main absolut génial.

FFM
Jusqu’au 2 septembre
www.ffm-montreal.org