FFM : Dernier tango au Parisien
Cinéma

FFM : Dernier tango au Parisien

Le FFM tire à sa fin. Toujours aussi populaire – les salles sont pleines – et de plus en plus éclaté dans les genres, le FFM trace une drôle de route. On suit et on garde les yeux bien  ouverts…

Dans un festival qui se veut le reflet de la production mondiale, il est évidemment difficile de tracer une ligne de tendances, de thèmes ou de préoccupations. Quoique avec le nombre de films sur l’enfance névrosée et malheureuse, on se demande… Seule véritable constance dans nos visionnements: pas de coup de foudre majeur. Juste des films moyens-bons. Excellent sur le plan guide touristique, moins excitant au rayon cinéma: telle semble être la route du FFM. Par contre, on peut parler de l’éclatement du Festival qui joue sur tous les tableaux, piochant de Vues d’Afrique à Fantasia.

Avant la fin des festivités, arrivée de dernière minute, Blind Spot, Hitler’s Secretary, film autrichien d’André Heller et Othmar Schmiderer, gagnant à Berlin, semble être un film surprenant, long plan-séquence d’une entrevue avec la secrétaire d’Hitler. Mentionnons aussi The Warrior, d’Asfi Kapadia, film majestueux et zen à couper le souffle. Côté court, Rondo pour trompettes, du collectif Les 12 poissons, joue une drôle de musique. Assez Caro /Jeunet. Avec Anne-Marie Cadieux et Jean-Louis Roux.

Choix multiples

Embrassez qui vous voudrez (France)

Michel Blanc réalisateur, c’est alléchant depuis Marche à l’ombre et Grosse fatigue. On s’attendait à une comédie virevoltante. Mais avec l’adaptation du roman de Joseph Connolly, Summer Things, ce n’est pas aussi facile. Une semaine au Touquet pour grands et petits bourgeois, paumés et dragueurs, jaloux et dépressifs: ça ne va pas très bien dans les têtes et dans les coeurs. On navigue à vue au milieu des vedettes sans vraiment s’y accrocher. Film choral inégal, mais fond désespérant réussi. Jusqu’au 31 août. (J. R.)

Blue Car (États-Unis)

Parents divorcés, père mou, mère sur les nerfs, petite soeur fragilisée: il reste à Meg (Agnès Bruckner) son prof de littérature (David Straitham) qui la pousse à écrire de la poésie. Mais ce tuteur-là non plus ne semble pas très solide. En bon français, on appelle ça un coming of age movie, perte de l’innocence qui arrive en frappant le monde adulte. Ambiance déjà vue, mais interprétation majeure qui donne toute la finesse de ton: l’actrice Karen Moncrieff a fort bien dirigé ses acteurs pour ce premier long métrage, bien reçu à Sundance. (J. R.)

Flower and Garnet (Canada)

Garnet est le petit frère de Flower. Leur mère est morte à la naissance de Garnet. Le père (Callum Keith Rennie) ne s’en est pas remis, et le silence a pris possession des coeurs et de la maison. Puis Flower tombe enceinte… Poème en prose de la vie familiale, dysfonctionnelle comme il convient; peu de dialogues, pas de musique, mais bonne ambiance: un ton inquiétant où l’on craint à chaque instant que tout explose. Excellente direction d’acteurs de la part de Keith Behrman, déjà remarqué pour Thomas et Ernest. (J. R.)

The Nature of Nicholas (Canada)

Nicholas a 12 ans, le fantôme de son père vient l’embêter. Surtout depuis que Nicholas se découvre un penchant pour son copain Bobby. Mais Bobby se dédouble et devient zombie. Tout vert avec des ongles fourchus. C’est du bon délire à la Fantasia, mais rien d’anormal de la part de Jeffrey Erbach, membre des drôles de poètes du Winnipeg Film Group. Métaphore sur l’éveil de la sexualité, à la fois tranquille et glacé comme dans un film de Lynch, avec des jeunes acteurs qui savent jouer le décalage voulu. (J. R.)

Mr. Rookie (Japon)

Exemple type du film dont on peut questionner la pertinence en festival: il s’appelle Mr. Rookie, il est le masque tigré de l’équipe de base-ball d’Osaka. Il joue comme un dieu, il est l’idole des médias, mais personne ne sait qu’il est aussi un salarié poli, marié et père de famille… On s’attendait à un deuxième degré. Erreur. Mr. Rookie, film de Satoshi Isaka, est si sérieux qu’on ne peut pas rire. Téléfilm mélo qui en beurre épais sur le stakhanovisme et le goût de la performance nippone. Jusqu’au 31 août. (J. R.)

May (États-Unis)

Cette chère May! Elle a une poupée diabolique pour amie. Elle est solitaire et se montre un peu nerveuse dans sa vie amoureuse: un gars l’embrasse, elle le mord; alors elle se tourne vers une lesbienne un peu en chaleur. Mais ça ne va pas non plus. Là aussi, on plonge dans le style Fantasia. Premier long métrage d’un Californien, Lucky McKee, avec un film à faire passer Ghost World pour du Walt Disney. Mise en scène réussie et dialogues ad hoc, un film qui met en vedette une fille plus étrange qu’Anna Thomson, Angela Bettis. (J. R.)

I Am Dina (Norvège-Allemagne-France-Danemark-Suède)

Saga épique, conte mythologique, méga coproduction, film d’action sentimental, gros mélo tiré d’un best-seller: I am Dina, d’Ole Bornedal, est tout à la fois. Parce qu’enfant, elle a causé la mort de sa mère, Dina devient une jeune femme farouche, déchirée entre l’amour de la vie et les pensées morbides. Patchwork qui mélange Gérard Depardieu et Pernilla August, le drôle et le brutal, une opulence de costumes (Dominique Borg, Le Pacte des loups) et des paysages rudes. Un film écartelé entre Le Festin de Babette et The Piano et avec une héroïne aussi soupe au lait que Scarlett O’Hara. Décousu. (J. R.)

Goyangirul Butakhae (Corée du Sud)

Prends soin de mon chat: c’est le lien qui unit des amies à la fin de l’école. Elles sont à l’aube de la vingtaine, à l’heure des choix. Mais les directions divergentes bousculent l’amitié et il y a peu de place pour s’occuper d’un chaton. Une autre étude des moeurs, un autre coming of age movie, mais qui n’est pas sans charme. Regard anthropologique un peu morne sur une génération, mais point de vue optimiste de la part du jeune Coréen Jeong Jae-eun. Jusqu’au 31 août (J.R.)

Halbe Treppe (Allemagne)

Autre excellent film du talentueux Andreas Dersen (La Policière) qui, reprenant ses acteurs fétiches, Axel Prahl et Gabriela Maria Schmeide, s’amuse à déposer le grain de sable qui va faire dérailler deux couples d’amis endormis dans leur quotidien gris à Francfort-sur-l’Oder. Entre bière et ennui, on se croit amoureux. Du Ken Loach avec de l’humour, et autant d’espoir que de cynisme. Acteurs hors pair. Mérite une vraie distribution. (J. R.)

Bord de mer (France)

Caméra d’or à Cannes, film intimiste sur fond de grisaille et de galets. Marie (Hélène Fillières) traîne son spleen et n’a que faire de son amoureux, et de sa belle-mère joueuse (Bulle Ogier). Elle veut partir. Pas folichon, mais un film français qui nous sort de Paris, c’est toujours à prendre. À voir, pour Hélène Fillières, qui s’impose. Jusqu’au 30 août. (J.R.)

Looking for Leonard (Canada)

Premier long métrage de Matthew Bissonnette tout à fait plaisant: histoire d’amour peu commune entre une fille maussade, belle et qui n’a pas froid aux yeux et un immigré tchèque content de son sort. Mise en scène sympathique et efficace dans un Montréal à la fois triste et accueillant. Pas Plateau, et très cool. (J. R.)

Balzac ou la petite tailleuse chinoise (France)

Mise en images par l’auteur: Dai Sijie a écrit et réalisé cette histoire qui montre comment la culture occidentale (Balzac et Mozart) a pu aider une génération de Chinois à s’ouvrir à d’autres horizons que ceux promis par les camps de rééducation révolutionnaires de Mao. Superbes décors, époustouflants, et belle histoire d’amour. Mise en scène sans heurt. (J. R.)

Heaven (Allemagne-États-Unis)

Peu avant sa mort en 1996, Krzysztof Kieslowski avait pour projet une trilogie intitulée Paradis, enfer et purgatoire. Ce premier chapitre, réalisé par Tom Tykwer (Cours, Lola, cours), relate la cavale en Toscane d’un improbable couple formé d’une enseignante accusée de terrorisme et d’un carabinier transi d’amour. Tykwer jongle avec ses thèmes de prédilection, l’amour et le hasard. Trop glacé pour susciter de réelles émotions, Heaven séduit par sa composition d’images recherchées, telle cette scène d’amour qui semble tirée de Princes et princesses, son rythme hypnotique et la présence magnétique de l’Anglaise Cate Blanchett et de l’Américain Giovanni Ribisi. (M. D.)

La Danse avec le chien blanc (Japon)

Accompagné d’un mystérieux chien blanc, un veuf tente d’accomplir les dernières volontés de sa femme bien-aimée. Très japonais: sobre, pudique, poétique, émouvant et zen. Premier long métrage de fiction de Takashi Tsukinoki, assistant du réalisateur de La Balade de Narayama et de Pluie noire. (M. D.)

Tyven, Tyven (Norvège)

Accusé de violence conjugale et d’inceste, un homme désespéré kidnappe sa fillette de sept ans qui lui fera comprendre en cours de route la vraie nature de son ex-femme. Portant une attention vigoureuse aux détails, Trygve Allister Diesen (Isle of Darkness) raconte avec réalisme ce drame de moeurs captivant et troublant. Mentionnons la très bonne interprétation de Jorgen Langhelle (I Am Dina) et de la petite Vera Rudi. (M. D.)

Dekapentavgoustos (Grèce)

Le film choral ne réussit pas à tous. Ici, l’idée de départ n’est pas mauvaise: suivre l’itinéraire de trois couples habitant le même édifice à logements du centre-ville d’Athènes qui partent en vacances le même jour. Pendant leur absence, un jeune voleur fouille leurs appartements, dévoilant ainsi leurs secrets. Les personnages sont peu sympathiques, le récit provoque peu d’intérêt et l’ensemble s’avère trop décousu. En revanche, quelques cartes postales pas trop clichés de la Grèce. Jusqu’au 31 août. (M. D.)

Essen, Schlafen, Keine Frauen (Allemagne)

De 1991 à 2002, le journaliste de formation Heiner Stadler a planté sa caméra un peu partout dans le monde. Alors que les premières bombes tombent sur l’Afghanistan le 7 octobre 2001, le réalisateur présente les répercussions des attentats du 11 septembre chez un affichiste de cinéma de Rawalpindi, deux chercheurs d’or de l’Amazonie, un musicien du métro de Paris, etc. Bref, une étonnante et déroutante mosaïque socioculturelle au montage dynamique et à la narration cynique. Jusqu’au 31 août. (M. D.)

Le Petit Oiseleur (Iran)

Dans ce premier long métrage de fiction de Rahbar Ghanbari, un garçonnet iranien capable d’imiter le chant des oiseaux console une fillette de la république d’Azerbaïdjan dont l’oiseau est sans voix. Même les irréductibles fans de Maji Majidi risquent de s’ennuyer dans ce récit gnangnan mal interprété. Mais quels beaux paysages! Jusqu’au 2 septembre. (M. D.)

La Novia de Lazaro (Espagne)

Une Cubaine fraîchement débarquée à Madrid apprend que son fiancé toxicomane vient d’être emprisonné pour tentative de viol. Lors d’une visite en prison, le Cubain lui demande de le fournir en héroïne. La très bien nommée Dolorès accepte par amour. Heureusement qu’elle peut compter sur l’aide de quelques âmes charitables. Fille perdue et désespérée, actrice intense et impudique, faune marginale, grande ville hostile, réalisation fauchée… Y a du Kollek là-dedans! Jusqu’au 2 septembre. (M. D.)

Farda (Iran-Japon)

Un Japonais workaholic accro à son cellulaire doit se rendre en Iran pour remettre une somme d’argent à un ouvrier iranien récemment renvoyé du Japon. Choc culturel à l’horizon! Évidemment, le jeune homme se transformera au contact des Iraniens qui prennent le temps de vivre. Un peu plus et on nous faisait la morale. Un road-movie dépaysant, amusant et sympathique de Setsuo Nakayama qui a bénéficié de la supervision artistique d’Abbas Kiarostami. Jusqu’au 2 septembre. (M. D.)

Rabbit-Proof Fence (Australie-Royaume-Uni)

Après une douzaine d’années à tourner des thrillers à Hollywood, Philip Noyce (The Bone Collector) fait un heureux retour aux sources pour dévoiler un aspect sombre de l’histoire australienne, quand les jeunes aborigènes étaient retirés de leur foyer pour être élevés dans des camps à la façon des Blancs. Raconté avec un minimum de dialogues, ce récit de trois jeunes filles tentant de retourner chez leur mère met en vedette un très sobre Kenneth Branagh et des actrices remarquablement dirigées. En prime, la photographie de Christopher Doyle (In the Mood for Love) et une trame sonore signée Peter Gabriel. (M. D.)

Monsieur Batignole (France)

Dans cette comédie dramatique, Gérard Jugnot incarne un charcutier-traiteur un peu lâche qui devient un héros malgré lui lorsqu’un jeune garçon juif lui demande de l’aider à passer les frontières de la Suisse durant l’Occupation. Avec ses personnages truculents et ses répliques savoureuses, Monsieur Batignole possède le charme désuet des films de l’après-guerre. Depuis Une époque formidable, la réalisation la plus réussie du sympathique comédien. (M. D.)

Moro no Brasil (Allemagne-Brésil-Finlande)

Dans Moro no Brasil (Sound of Brazil), un documentaire rythmé et narré par le réalisateur Mika Kaurismäki (Helsinki-Napoli) – le frère de l’autre -, on profite des pérégrinations de cet amoureux du Brésil (il y vit) pour retracer les racines des différents styles musicaux du pays. Couleurs, vitalité, soleil et esprit festif se relient en plusieurs tableaux géographiques, comme une grande farandole. Un vrai plaisir. (S. L.)

Mavahlatur (Islande)

Dans la comédie dramatique d’époque, Mavahlatur (Le Rire de la mouette), d’Agust Gudmundsson, Freya, ravissante et mystérieuse, revient au bercail après un séjour en Amérique. Par les yeux d’Agga, la petite fouineuse, on assiste à l’émoi local causé par ce retour. Un plaisir plus qu’honnête, qui repose sur un ensemble de personnages attachants. Facture classique, mais de qualité; un film qui mériterait une carrière internationale. (S. L.)

Alla älskar Alice (Suède)

Cette Alice, 12 ans, écornifleuse, réagit difficilement à la rupture de ses parents banlieusards. Rien ne va plus sur le plan émotif quand papa va habiter chez sa maîtresse. Suites d’allers et retours entre les parents, avec mini-tragédies à l’appui et situations conventionnelles: le film signé Richard Hobert semble extirpé du petit écran. Heureusement, les comédiens injectent assez de naturel. (S. L.)

Dog star (Japon)

Gong, un aveugle, meurt accidentellement. Son chien-guide survit. Le fantôme de Gong accède au souhait du chien: être transformé en humain. Toutou devenu homme part à la recherche de sa première propriétaire. Avec cette prémisse farfelue, qui tient en alerte mais qui se dégrade vers la fin, on a droit à une comédie simple et docile. Trop retenu cependant, le film de Takahisa Zeze aurait profité de moments plus mordants supportés par un humour plus incisif. (S. L.)