La Turbulence des fluides : Histoire d'eau
Cinéma

La Turbulence des fluides : Histoire d’eau

Le cinéma – et l’art en général -, c’est aussi aller au-delà de l’évidence, de l’aperçu, du coup d’oeil. On montre la mer, mais ça ne veut pas forcément "dire" la mer. En fouinant dans une image, le talent est de dénicher un monde souterrain qui peut, si l’on est habile, séduire un autre que soi-même. Manon Briand, avec La Turbulence des fluides, a ce souci de chercher derrière l’image, d’imposer un regard. Mais quand on remonte l’épuisette, on ne tr0uve pas grand-chose.

Le cinéma – et l’art en général -, c’est aussi aller au-delà de l’évidence, de l’aperçu, du coup d’oeil. On montre la mer, mais ça ne veut pas forcément "dire" la mer. En fouinant dans une image, le talent est de dénicher un monde souterrain qui peut, si l’on est habile, séduire un autre que soi-même. Manon Briand, avec La Turbulence des fluides, a ce souci de chercher derrière l’image, d’imposer un regard. Mais quand on remonte l’épuisette, on ne tr0uve pas grand-chose.

Elle a parié sur une histoire mi-magique, mi-scientifique où la marée disparaîtrait à Baie-Comeau. Et ce phénomène serait en concordance avec la montée du désir, l’assèchement des coeurs et tout autre blocage ou mouvement liquide interne d’une sismologue, d’un pilote, d’une aventurière et d’une gérante de deli. D’où l’excellent titre, aussi sensuel que sérieux. Mais symbolique trop marquée, terriblement clichée (la mer matrice et cocon, entité qui a pouvoir de vie et de mort, etc.), histoire très touffue et mise en scène sans rien qui dépasse: on a le sentiment de regarder un film appliqué où tout serait bon, sans que rien ne soit notable. Pas de faute, pas de dérapage, mais absence de bouffée de chaleur. Comme si, dans tout ce travail sérieux de construction du récit, de mise en place, de direction d’acteurs, la fantaisie et l’émotion n’avaient pu se glisser aisément. Manque le charme, en somme.

Dans ce trip de personnages qui ont tous un secret à dévoiler, coincés dans des vies guidées par une croyance au destin, il faut que tous les éléments s’imbriquent, que tous les chemins se croisent et que tous les destins finissent à l’unisson dans la grande explication finale. Gérer un univers clé en main ainsi décalé est assez lourd. Turpin et Villeneuve s’en dégagent par un sens esthétique marqué, et Briand y va par un chemin plus évident, plus réel.

Si on embarque, le tour est joué. Sinon, on reste sur la grève à compter les cailloux. On fait des listes. Contre: des personnages à facette unique pas toujours crédibles (l’air baveux de Pascale Bussières, la libido appuyée de la copine française, la candeur balourde du maire, le je-m’en-foutisme jovial d’un chercheur, etc.) et des scènes humoristico-inutiles qui laissent perplexe (l’heure de la mort des moules, les golfeurs qui râlent et les bonnes soeurs qui pouffent). Pour: un décor majestueux qui respire, une aisance de paysagiste qu’avait déjà Manon Briand en filmant le Montréal de 2 secondes. Pour: ce café au look Hopper, au rythme nocturne bien rendu, seul endroit qui appelle au mystère. Pour: Jean-Nicolas Verreault, énergique, entier et beau. On aime aussi un plan, le retour aux sources de ce film aquatique: Bussières au volant de son truck de lait qui écoute de la musique western et qui, visage ouvert à la chaleur caniculaire, sourit pour la première fois.

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