Monsieur Batignole : Douce France
Cinéma

Monsieur Batignole : Douce France

Huitième réalisation de GÉRARD JUGNOT, Monsieur Batignole possède le charme désuet des films d’après-guerre, tels ceux d’Allégret, de Duvivier et d’Autant-Lara, qui ont bercé l’enfance du sympathique comédien. Plaisirs démodés.

Campée durant l’Occupation, cette comédie dramatique met en scène un charcutier-traiteur (Gérard Jugnot) qui pose un geste héroïque après avoir longuement hésité, en aidant un jeune garçon juif à passer la frontière de la Suisse.

Lorsqu’il était question de la guerre chez les Jugnot, on parlait surtout de la privation de la liberté et de la faim. Jamais des juifs. Au départ, Gérard Jugnot ne voulait pas aborder la question juive, à l’instar de La Grande Vadrouille, de Gérard Oury, qui est pourtant juif. Son but premier était de traiter de cette époque d’un point de vue humaniste, de parler de "ce qui s’était passé par rapport à la résistance et à la dénonciation, de la vie quotidienne et de la mentalité des Français, de ceux qui pouvaient dire "on ne pouvait pas savoir", contrairement à Amen., de Costa-Gavras, par exemple, qui traitait de ceux qui savaient".

En partie inspiré de son grand-père, un charcutier qui a fait faillite en 1947, Batignole lui a aussi permis d’exploiter un sujet qui lui est cher: l’héroïsme des gens ordinaires. Ne voulant pas tomber dans le manichéisme, Jugnot n’a pas hésité à donner plusieurs facettes à ses personnages, autant de qualités que de défauts. Ainsi le petit Simon Berstein (Jules Sitruk, que Jugnot a dirigé d’une main de maître) est un gentil premier de classe qui devient très agaçant quand il a faim ou mal au ventre. De même, l’honnête Max Berstein, le père de Simon, qui n’hésite pas à arnaquer Batignole pour sauver sa peau. Jugnot ne voulait pas faire des juifs d’innocentes victimes, et des Français de sales collabos. Nous sommes entre gens normaux… Ce qui n’empêche pas ses personnages d’être truculents, tels le passeur cupide de Ticky Holgado et l’horrible dramaturge antisémite incarné par Jean-Paul Rouve.

Avec ses répliques savoureuses, Monsieur Batignole s’inscrit aisément dans la lignée des films traitant avec légèreté de l’Holocauste. Le réalisateur ne craint pas que cette tendance diminue l’étendue de l’horreur: "Plus les sujets sont graves, dit-il, plus il faut de charme et de passion pour que ce ne soit pas ennuyeux. Je ne suis pas sociologue, ni professeur. Je fais du spectacle: j’essaie de dire des choses aux gens, tout en leur donnant du rire et de l’émotion. Le rire est là pour renforcer le mal, puis pour nous soulager."

Ayant plongé dans les documents historiques et photographiques avec pour résultat une reconstitution d’époque fort satisfaisante, Jugnot se défend d’avoir voulu donner une leçon d’Histoire. Il parle plutôt d’une leçon d’humanité: "On a été terriblement scrupuleux sur l’Histoire, par rapport à la communauté juive. C’est de la comédie, mais on ne peut pas dire n’importe quoi. Le film est très renseigné, mais on a essayé de ne pas ennuyer les gens avec ça." Mission accomplie pour le réalisateur qui signe son film le plus réussi depuis Une époque formidable.

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