The Believer : Au-delà du bien et du mal
Cinéma

The Believer : Au-delà du bien et du mal

Après avoir vu The Believer, de Henry Bean, un premier film controversé qui a gagné le Prix du jury au dernier Festival de Sundance, on ressort avec un constat très large qui, selon l’humeur et le moment, peut être aussi déprimant qu’encourageant: l’homme du XXIe siècle n’a pas beaucoup évolué spirituellement, et il est loin d’en avoir fini avec sa soif  d’absolu.

Après avoir vu The Believer, de Henry Bean, un premier film controversé qui a gagné le Prix du jury au dernier Festival de Sundance, on ressort avec un constat très large qui, selon l’humeur et le moment, peut être aussi déprimant qu’encourageant: l’homme du XXIe siècle n’a pas beaucoup évolué spirituellement, et il est loin d’en avoir fini avec sa soif d’absolu. Il semble avoir toujours besoin de se redéfinir, par rapport à des croyances, des règles, par rapport à une foi. Et cela, même s’il l’interroge et la bouscule violemment, comme le fait Danny dans ce film, jeune juif intempestif devenu skinhead néonazi hargneux. L’exemple choisi (partant d’un fait vécu) est un cas extrême de contradiction, c’est du Dr. Jekyll et Mr. Hyde, de la schizophrénie invivable. Mais les questions demeurent pertinentes: doit-on croire? Que doit-on croire? Et croire, est-ce avoir les yeux fermés ou ouverts? Et malgré un intérêt on ne peut plus actuel, ce sujet passionnant n’est pas si couramment abordé. Or, M. Bean (scénariste d’Internal Affairs, Desperate Measures, Enemy of the State et Murder by Numbers) ramène rapidement la couverture de la croyance religieuse à la question juive.

De façon assez classique, on suit l’évolution du personnage central (excellent Ryan Gosling), tout en cachant le moteur de son comportement. Dans une scène d’entrée percutante et simpliste, on aborde Danny en skinhead; puis on apprend assez tard qu’il est juif; et ensuite, par une série de rencontres (notamment avec des rescapés de l’Holocauste), on le voit vaciller dans ses convictions. Il devient juif le jour et nazi le soir. Pourquoi Danny est-il si haineux? Pas de réponse claire. Alors que ce n’est pas toujours nécessaire au cinéma, dans ce cas-ci, une explication aurait consolidé le personnage. Pourquoi diable a-t-il développé un antisémitisme si grand? Le flash-back d’une discussion sur Abraham n’est pas suffisant et l’hermétisme de son père ne lance aucune piste. Par contre, certaines affirmations péremptoires seraient plus conformes au caractère torturé de ce garçon et pourraient être des amorces de réponses qui arrangeraient bien le réalisateur: on ne déteste bien que ce qu’on connaît; la religion juive ne peut s’épanouir que dans la victimisation; elle ne supporte ni l’amour ni l’indifférence, etc.

Mais parce que le gamin est torturé par sa logique narcissique et obsessive, et qu’il finira forcément mal, il a notre sympathie. Plus inquiétant est l’environnement selon M. Bean. Danny est entouré de skinheads de base, dangereux gros boeufs imbéciles sans référence culturelle aucune, et il gravite aussi (avec changement de costume) dans l’aile "marketing" de l’extrême droite. Celle qui veut le pouvoir par la parole et non par les muscles, représentée par de cyniques commerçants tranquillement néofascistes (Teresa Russell, Summer Phoenix et Billy Zane).

Car si The Believer nous renvoie à nos réflexions religieuses, c’est surtout un film de juif intellectuel. Entre un héros perdu dans les absurdités de règles dogmatiques, des brutes qui se réclament du passé et des conspirateurs à ciel ouvert qui savent vendre la salade fasciste remâchée aux strates dirigeantes, Henry Bean tient à rappeler que la souffrance juive est toujours présente et qu’elle est douloureuse sur plusieurs fronts…

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