The Rules of Attraction : Le temps des bouffons
Quand un gars, Roger Avary, qui a été coscénariste de Pulp Fiction et réalisateur d’un objet étrange, Killing Zoe, adapte un livre du type qui a écrit American Psycho, Bret Easton Ellis, on peut s’attendre à ce que le produit fini décrive le monde comme des montagnes russes: ça bouge à faire vomir, ça n’a aucune finalité et on est coincé dans le circuit.
Quand un gars, Roger Avary, qui a été coscénariste de Pulp Fiction et réalisateur d’un objet étrange, Killing Zoe, adapte un livre du type qui a écrit American Psycho, Bret Easton Ellis, on peut s’attendre à ce que le produit fini décrive le monde comme des montagnes russes: ça bouge à faire vomir, ça n’a aucune finalité et on est coincé dans le circuit.
Attention, tendance. À force de répéter aux États-Uniens qu’ils ont perdu leur innocence, ils finissent par le croire. Ghost World et Pumpkin, Igby Goes Down et maintenant The Rules of Attraction: on ne parle plus de lucidité, mais bien de nihilisme. La jeunesse Américaine décrite, qu’elle soit sur le campus ou hors circuit, a déjà les yeux fatigués de trop d’évidences. Plus de désirs, plus d’espoirs, rien ne sert d’apprendre, tout est foutu d’avance. Soyons dissolus et extrémistes. Buvons, sniffons, baisons. Dans The Rules of Attraction, le campus de Camden n’est qu’un prétexte de décors pour une vie estudiantine qui se résume à "The Pre-Saturday Night Party Party", "The Dress to Get Screwed Party" et "The End of the World Party". Avary se dit fasciné par le désespoir très chic des années 30 européennes. Sans doute un monsieur romantique, grand admirateur de La Règle du jeu et de L’Ouf du serpent, qui fonctionne à l’ironie en attendant que tout pète, mais pas un mauvais réalisateur pour autant.
Car le film ne manque ni de charme, ni d’originalité, ni de dynamisme. Avec une B.O. qu’on voudrait tout de suite, dans une mise en scène en quinconce et à reculons (pourquoi faire simple) et un scénario tuyau de poêle qui débouche sur plusieurs solitudes, The Rules of Attraction détonne du campus movie régulier. Celui-ci est d’un pessimisme déroutant, mais d’une vivacité communicatrice. Il donne envie de s’ébattre presque joyeusement dans ce bain de tristesse, de sperme, de bière et de coke. On ne sait trop où ni quand tout ceci a lieu, mais ce microcosme ne fonctionne qu’à l’énergie sexuelle, et l’électricité est bien rendue. Tout se resserre autour d’une thématique claire, celle d’embryons d’adultes qui s’essaient à la convivialité, mais qui ne font que se cogner, préférant l’instinct à la culture.
Meilleur mini-rôle: Eric Stoltz en prof de philo gelé en permanence, adepte de la promotion canapé. Meilleure scène: le voyage éclair en Europe de Victor (Kip Pardue), un bijou de cynisme. Meilleur rôle halluciné qui rappelle les gars pas nets de Tarantino: Richard alias Dick (Russell Sams), un énergumène encombrant. Meilleure mère ressemblant à un travelo: Faye Dunaway. Et meilleure mâlitude depuis Volverine: le petit frère du Patrick Bateman d’American Psycho, Sean Bateman (James Van Der Beek). Culture pop branchée pour couvertures de magazines et malaise social réel impossible à endiguer: The Rules of Attraction joue sur deux tableaux. Mais à ce niveau de dédain et d’ironie, on ne pleure plus: on assume.
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