Le Marais : Boue magique
Cinéma

Le Marais : Boue magique

Sérieusement glauque, l’univers de Kim Nguyen. Son film est une réaction naturelle à ce que le jeune réalisateur décrit comme "les films urbains du Plateau". La chose est claire avec Le Marais, son premier long métrage produit par Yves Fortin des Productions Thalie: on est très loin du goudron, même de toute référence au goudron. Dans une Europe de l’Est un peu floue, dans un monde rude et froid de villageois et de paysans du 19e, vivent dans un moulin Alexandre (Gregory Hlady) et Ulysse (Paul Ahmarani): deux asociaux, l’un de par sa lignée maudite, et l’autre par ses anomalies physiques.

Sérieusement glauque, l’univers de Kim Nguyen. Son film est une réaction naturelle à ce que le jeune réalisateur décrit comme "les films urbains du Plateau". La chose est claire avec Le Marais, son premier long métrage produit par Yves Fortin des Productions Thalie: on est très loin du goudron, même de toute référence au goudron. Dans une Europe de l’Est un peu floue, dans un monde rude et froid de villageois et de paysans du 19e, vivent dans un moulin Alexandre (Gregory Hlady) et Ulysse (Paul Ahmarani): deux asociaux, l’un de par sa lignée maudite, et l’autre par ses anomalies physiques. Il suffit d’un meurtre au village pour déclencher soupçons et haine vengeresse envers les deux hommes. Soupçons bien alimentés par Pépé (Gabriel Gascon), le vieux malfaisant de l’histoire. Et tout ce beau monde habite près d’un marais vaseux, rempli de démons et de gobelins, et vers lequel bien sûr il ne fait pas bon s’aventurer.

Pour embarquer dans Le Marais, il faut aimer les histoires qui viennent de nulle part mais qui ont des résonances moyenâgeuses, et les bandes dessinées où les fées et les diables viennent tracasser les humains; et il faut surtout prendre au pied de la lettre les contes terribles de l’enfance (comme Olivier Dahan l’a fait pour Le Petit Poucet). "Je suis parti d’une idée, j’ai imaginé ce qu’étaient les icônes du démon, explique Nguyen, étudiant puis prof en cinéma et auteur de deux courts métrages. Je cherchais une représentation du mal. Et ce qui m’intéresse, outre les mythologies ancestrales, c’est la création d’un monde différent mais cohérent. Comme Kafka qui avait recréé une Prague mythique, j’ai voulu une Europe de l’Est fantasmagorique, comme vue par un enfant de cinq ans." Une approche assurée et pour le moins originale que celle de Nguyen qui se dit aussi visuellement très orienté par le travail du peintre romantique Caspar David Friedrich, "toujours à la limite du rêve et du réel".

Et plus que le scénario archi-prévisible auquel ne manquent ni la dame du lac, ni la pute au grand coeur, ni le péché originel, mais qui reste solidement construit, c’est en effet le visuel qui retient l’attention de ce premier film. 2,3 millions $ et un tournage-éclair à Stoneham au mois d’octobre ont été transformés en un monde fantastique crédible, à la limite de l’inconnu et du familier. Bien réussi d’autant qu’il est difficile à réaliser. Du 35 mm et un peu de numérique ont donné à cet univers le ton souhaité. Des grisés, des boisés, tous les tons de vert et de bleu: les planches bien coloriées se succèdent, et certaines scènes (notamment celles d’Ulysse dans le marais qui embellit sa sirène) sont élégantes et raffinées. L’auteur, qui aime Lynch, Tarkovski, Lean et Coppola, voulait une "accroche visuelle forte qui permette quand même d’approcher les personnages". Un principe qui mérite d’autres développements.

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