Cinémania : French connection
Petit tour d’horizon de quelques films francophones (sous-titrés en anglais) qu’on ne peut voir qu’en festival.
Du 7 au 17 novembre, le Musée des beaux-arts ouvre ses portes à la huitième édition de Cinémania, le festival des films francophones avec sous-titres en anglais. L’occasion est encore une fois donnée de réunir les deux solitudes. Sur les dix-sept films au programme, huit d’entre eux seront présentés pour la première fois dans leur version sous-titrée anglaise, dont l’agréable Laissez-passer, de Bertrand Tavernier; le touchant Cet amour-là , de Josée Dayan; et – film sublime – L’Emploi du temps, de Laurent Cantet (Louve d’or au FCMM 2001). Un seul film québécois figure parmi la sélection: Québec-Montréal, de Ricardo Trogi, qui, après avoir fait excellente figure au box-office à la fin de l’été, a récolté le Prix spécial du jury et celui du meilleur scénario au dernier Festival de Namur, en Belgique.
En film d’ouverture, Sueurs, de Louis Pascal Couvelaire, s’avère par contre un choix douteux. Road-movie mélangeant le style BD violente et le montage insupportable de type Taxi: c’est Dobermann rencontre Le Salaire de la peur avec des malfrats qui se poursuivent et se tapent dessus au milieu du désert. Extrêmement inutile, avec un Jean-Hugues Anglade en dégringolade. Primé à Venise avec deux prix du public (meilleur film et meilleur acteur), L’Homme du train, de Patrice Leconte, un thriller mettant en vedette Jean Rochefort et Johnny Hallyday, clôturera ce festival sur une meilleure note. Cinémania présente également six productions de France et de Belgique en première nord-américaine. Et l’on promet des invités-surprises lors de chaque projection. En aperçu, voici quelques nouveautés:
Le Doux Amour des hommes
Inspirée de l’oeuvre de Jean de Tinan, écrivain dandy décédé à l’âge de 24 ans à la fin du 19e siècle, cette sobre et austère réalisation de Jean-Paul Civeyrac met en scène un jeune poète désabusé (Renaud Bécard) qui s’éprend d’une jolie toxicomane volage (Claire Perot). Amour tragique, ivresse et décadence sont le lot de ce poète narcissique qui trouve sa rédemption dans la création. États d’âme d’une faune parisienne blasée ayant perdu foi en l’amour, et jeunes corps qui s’aiment avec fougue: parfois trop contemplatif et littéraire pour susciter l’émotion; et Bécard déclame plus qu’il ne joue. Vaguement prétentieux.
Jojo la frite
Dans cette folichonne comédie de Nicolas Cuche, Raph (Didier Becchetti) et Swan (Fred Saurel), deux itinérants tarés de Lyon, croisent le chemin de Camilla (Mélanie Thierry), une pauvre fille belle comme un ange qui rêve d’être effeuilleuse. Ayant fait une bonne action, Raph voit une auréole lui pousser sur la tête. La sainteté peut-elle être lucrative? Prolongement d’un court métrage, ce film sans prétention piétine par moments, malgré un montage épileptique. L’histoire de Camilla suscite peu d’intérêt et les péripéties des deux larrons finissent par ne plus faire rire. L’action aurait sérieusement gagné à être plus resserrée. Restent Becchetti – dont le jeu énergique rappelle Robert Carlyle – et Saurel, assez touchant. Un conte de Noël qui mêle joyeusement le sordide à la fantaisie, quelque part entre la troupe du Splendid et André Forcier.
Mille millièmes, fantaisie immobilière
S’inspirant de la structure du Manuscrit trouvé à Saragosse, de Wojciech Has, Rémy Waterhouse propose un tour du propriétaire qui n’est pas sans rappeler aussi La Vie mode d’emploi, de Georges Pérec. De réunion en réunion, les copropriétaires d’un immeuble à logements de Paris dévoilent leurs besoins et leurs petitesses. Entre chaque assemblée, les occupants mènent leur train-train quotidien peuplé de magouilles, de querelles de palier et de quelques intrigues sentimentales qui donnent au film l’aspect toujours pittoresque d’une chronique. Parmi la vingtaine de personnages, une prothésiste dentaire humaniste et somnambule (Irène Jacob), un cafetier homosexuel qui rêve de transformer son établissement en café philo (Patrick Chesnais) et un médailliste antipathique qui tente un rapprochement avec ses voisins (Jean-Pierre Darroussin). Malgré le côté statique de l’ensemble, cette tentative de dépeindre une microsociété est pavée de bonnes intentions et recèle quelques bons moments. Les personnages sont colorés, mais trop unidimensionnels. Bref, un film sympathique et interprété avec conviction par des talents qu’on aime…
Oui, mais…
Écrite et réalisée par Yves Lavandier, cette comédie dramatique s’inspire d’un jeu psychologique utilisé en analyse transactionnelle – oui, je veux changer, mais j’ai peur du changement. À 17 ans, Églantine (Émilie Dequenne, la Rosetta des Dardenne) ne sait plus où donner de la tête avec une mère alcoolique qui se complaît dans son rôle de victime, un père absent plein de fric et un petit ami macho pas très prévenant. Elle consulte donc un psy aux méthodes peu orthodoxes (Gérard Jugnot, assez crédible en contre-emploi) qui, face à la caméra comme Henri Laborit dans Mon oncle d’Amérique, nous livre les secrets de la psyché humaine. Pas toujours très subtil, mais néanmoins charmant, ce premier film de Lavandier pose un regard attendri et intelligent sur la fin de l’adolescence et les premières amours. Petits hics: si l’adolescente est plutôt réussie, les personnages secondaires ne semblent pas avoir de qualités. Quant au psy, il a bien peu de temps pour faire valoir ses théories… Sujet pas très joyeux présenté de façon ludique.
Petites misères
Des réalisateurs belges Philippe Boon et Laurent Brandenbourger, voici une fable grinçante sur la confusion, la consommation et la culpabilité avec Marie Trintignant et Albert Dupontel, parfaits en couple de boulevard. Jean est un huissier de justice pas très honnête ne pouvant plus supporter son partenaire, un policier altruiste. De son côté, sa femme Nicole tue l’ennui en se livrant à des achats compulsifs en compagnie de son amant Georges, un endetté chronique et complice des manoeuvres de Jean. Lorsque ce dernier constate qu’un tigre à lunettes surveille ses agissements, les choses se compliquent. Mélangeant la comédie de moeurs à la comédie musicale, avec un soupçon de critique sociale et un zeste de drame conjugal, Boon et Brandenbourger signent un premier long métrage coloré, original et drôlement décalé.
Encore une porte ouverte pour des petits films sympas qui ne viennent plus qu’en festival, sans faire leur tour de piste comme par le passé. Projections à l’auditorium Maxwell-Cummings du Musée des beaux-arts.
Info-festival: (514) 878-0082
www.cinemaniafilmfestival.com