8 Mile : Le vilain petit canard
On aura fait beaucoup de cas de la nature semi-autobiographique de ce 8 Mile, véhicule filmique taillé sur mesure pour la superstar Eminem, alias "le Elvis du hip-hop". Le film, qui chronique l’ascension d’un jeune rapper issu des bas-fonds d’une ville en décrépitude, présente en effet d’étranges ressemblances avec la vie du personnage le plus controversé de la pop moderne, mais son propos transcende de loin l’anecdote.
On aura fait beaucoup de cas de la nature semi-autobiographique de ce 8 Mile, véhicule filmique taillé sur mesure pour la superstar Eminem, alias "le Elvis du hip-hop". Le film, qui chronique l’ascension d’un jeune rapper issu des bas-fonds d’une ville en décrépitude, présente en effet d’étranges ressemblances avec la vie du personnage le plus controversé de la pop moderne, mais son propos transcende de loin l’anecdote.
On y suit l’évolution d’un rapper taciturne surnommé Rabbit, sorte de vilain petit canard white trash coincé entre une mère alcoolique, une blonde volage et un job minable, qui tente par tous les moyens de se faire accepter dans un milieu où l’on ne prise guère les blancs-becs de son espèce. Au-delà des conflits raciaux (évoqués en surface, mais rarement signifiants), 8 Mile est un film sur la lutte des classes, un portrait de cette Amérique où le moindre loser possède le droit inaliénable à la poursuite du bonheur et à l’album platine.
Si, sur le fond, 8 Mile pourrait évoquer Purple Rain (dans lequel Prince se servait de la musique comme planche de salut), il serait plus juste d’y voir la version street de Ridicule. Car au-delà du décor apocalyptique des inner cities qui donne des airs de crédibilité à l’histoire, l’action véritable se déroule sur scène, dans ces battles où les coups de poing portent moins que les coups de gueule. Sur la scène d’un club appelé The Shelter, les protagonistes se livrent à une série de joutes verbales où les alexandrins auraient cédé le pas aux rimes débitées sur les phat beats des D.J. Un seul faux pas et vous replongez dans le néant; un seul mot d’esprit bien tourné et vous vous retrouvez au sommet.
On était en droit de craindre que ce 8 Mile ne prenne des airs de long vidéoclip; mais, contre toute attente, le réalisateur Curtis Hanson (L.A. Confidential, The Wonder Boys) a opté pour une approche quasi documentaire, totalement dénuée du clinquant qui caractérise la plupart des films servant de véhicules promotionnels aux pop stars. La photo glauque de Rodrigo Prieto (Amores Perros) rend à merveille la désolation des quartiers pauvres de Detroit, qui prend des airs de véritable Beyrouth américain. Le jeu très intériorisé (voire limité) d’Eminem fonctionne à merveille, le rapper ne révélant sa vraie nature que lorsqu’il agrippe le micro. Il faut également souligner que l’aspirant acteur est soutenu par une galerie de personnages secondaires essentiels parmi lesquels brillent Kim Basinger (excellente en mère trailer trash à l’accent sudiste) et surtout Mekhi Phifer, véritable révélation dans le rôle de l’ami et mentor de Rabbit.
Alors où est le vrai Slim Shady dans toute cette histoire? Le vrai/faux Eminem/Rabbit ne dévoilera sa superbe qu’à la toute fin, alors que le petit lapin se transformera en un véritable Cyrano de fond de ruelle. Terrassant son rival par une série de rimes assassines, parant la pointe dont on espérait lui faire don, il ouvre la ligne, la bouche, et à la fin de l’envoi il (nous) touche.
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