All or Nothing : L'amour conjugué
Cinéma

All or Nothing : L’amour conjugué

A priori, mieux vaut être en forme pour aller voir un film qui se passe dans le Sud de Londres, dans le gris, dans un immeuble décrépit et déprimant, avec des gens pas très beaux, menant des existences très tristes. Mais l’art n’étant pas le royaume du confort, il faut aussi voir dans All or Nothing, le dernier film de Mike Leigh, une oeuvre vraiment généreuse, délicate, et pleine de compassion et d’espoir; bref, que des émotions pas très mode. Ce n’est pas forcément un truc britannique, judéo-chrétien ou masochiste, mais juste un tendre penchant pour l’humanité qui se débat dans du Dickens.

A priori, mieux vaut être en forme pour aller voir un film qui se passe dans le Sud de Londres, dans le gris, dans un immeuble décrépit et déprimant, avec des gens pas très beaux, menant des existences très tristes. Mais l’art n’étant pas le royaume du confort, il faut aussi voir dans All or Nothing, le dernier film de Mike Leigh, une oeuvre vraiment généreuse, délicate, et pleine de compassion et d’espoir; bref, que des émotions pas très mode. Ce n’est pas forcément un truc britannique, judéo-chrétien ou masochiste, mais juste un tendre penchant pour l’humanité qui se débat dans du Dickens.

Voici quelques jours dans la vie d’une famille qui ne sait plus s’aimer: le philosophe chauffeur de taxi Phil (Timothy Spall, à peu de choses près identique au chauffeur de taxi de Intimacy); sa femme Penny (Lesley Manville), caissière à qui la vie fait peur; leur fils Rory (James Corden), obèse et gueulard; et leur fille Rachel (Alison Garland), douce et peu bavarde. On tire le diable par la queue, on s’oublie dans le quotidien morne, votre fils ne vous dit plus que "Fuck off" et votre fille se replie dans ses romans. Un accident arrive, et le dialogue est de nouveau possible, comme l’amour. Cette trame assez simple est articulée sur le principe du noeud gordien à trancher, mais quelle finesse dans l’approche! Mike Leigh a développé avec talent ce regard social aiguisé, grand cinéaste réaliste britannique s’il en est (Life is Sweet, Naked, Secrets and Lies, etc.), talent teinté d’humour absurde. Sa drôlerie, il l’utilise ici par petites touches telles ces bananes offertes en cadeau à l’hôpital, ou de façon flamboyante comme dans son précédent film, Topsy-Turvy.

Certaines scènes sont soufflantes de justesse, comme si la caméra était plantée là, heureusement présente pour capter de vraies bouffées de vie. On comprend toute la douceur derrière les gestes tranquilles de Rachel dans son centre pour vieillards; toute l’envie d’aimer dans les amorces de dialogues de ce père intelligent, gentil mais largué; et toute la crainte de la misère dans l’attitude effarouchée de cette mère. La scène-clé, entre les parents, la seule où ils vont se toucher et se parler, est si bien écrite, si bien jouée, si forte et si délivrante que l’on peut se permettre d’ouvrir les vannes et de pleurer à chaudes larmes!

À côté de cette finesse, certains rôles font figure de caricatures. On avait compris que tout l’environnement de la famille Bassett allait mal, que le cercle de la misère se joue à grande échelle, pas besoin de le décliner en voisines ou collègues de travail dessinés à gros traits. On n’a que faire de cette copine soûlarde qui beugle son karaoké, personnage quasi mythique du populaire anglais; on n’a que faire d’une Française chiante dans le taxi, et même des soucis de bébé de la fille d’à côté. Mais certes, sans alléger ou étoffer le récit, et même exagérés, ils remplissent le décor d’un climat, celui d’une humanité grouillante, sourde, et perpétuellement en quête d’amour.

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