Embrassez qui vous voudrez : La ronde
Cinéma

Embrassez qui vous voudrez : La ronde

On se le répète pour s’en persuader: l’imbécile qui fait hurler de rire des hordes de fans depuis Les Bronzés, le même qui a les dents qui poussent dans Marche à l’ombre, est un type angoissé à la névrose facile. Passe-muraille inquiétant dans Monsieur Hire, on va finir par comprendre que Michel Blanc n’est plus le charlot de service. Et à la réalisation, la courbe est claire; elle va de sourire-triste à triste-à-pleurer. Grosse fatigue avait déjà la rigolade acidulée; et Embrassez qui vous voudrez s’accroche à peine à la comédie.

On se le répète pour s’en persuader: l’imbécile qui fait hurler de rire des hordes de fans depuis Les Bronzés, le même qui a les dents qui poussent dans Marche à l’ombre, est un type angoissé à la névrose facile. Passe-muraille inquiétant dans Monsieur Hire, on va finir par comprendre que Michel Blanc n’est plus le charlot de service. Et à la réalisation, la courbe est claire; elle va de sourire-triste à triste-à-pleurer. Grosse fatigue avait déjà la rigolade acidulée; et Embrassez qui vous voudrez s’accroche à peine à la comédie. En adaptant le roman choral Vacances anglaises, du Britannique Joseph Connolly, Blanc démontre avec une certaine aisance qu’il manie bien le vitriol, qu’il n’a pas peur des grandes entreprises, et qu’il ne craint pas les mélanges de genre. Rien de plus drôle (et de plus triste) que de mettre des humains en bouteille et de les regarde s’agiter. Mais là où un Todd Solondz y va avec une vacherie extrême, Michel Blanc reste tendre. "C’est vrai, je les regarde avec tendresse, j’aimerais les aider!" assure-t-il presque avec émotion, en entrevue. Il a gommé les aspects caricaturaux des personnages du roman, optant pour des portraits nuancés, qui nous ressembleraient, aimables névrosés en quête de bonheur. D’où le ton juste de certains acteurs, d’où l’ennui aussi qui traîne parfois.

"Il y avait dans cette histoire anglaise une liberté que les Français, trop cartésiens, n’ont pas", décrète l’acteur-réalisateur, qui expose à la fois le vernis social et la sous-couche, moins glorieuse: un couple riche et bancal qui semble uni (Jacques Dutronc et Charlotte Rampling); un couple fauché et uni qui semble au bord de la rupture (Denis Podalydès et Karin Viard); un couple infernal et malade (Carole Bouquet et Michel Blanc); une fille (Clotilde Courau) qui veut le grand amour mais qui ne s’occupe pas de son enfant; un dragueur pathologique (Vincent Elbaz); une fille à papa revenue de tout (Lou Doillon); et un loser qui se croit ambitieux (Sami Bouajila). Sous les codes du vaudeville, avec des portes qui claquent comme au boulevard, les individus se croisent le temps d’une semaine au Toucquet (avec un aparté mal foutu et déconnecté aux États-Unis).

Dans cet entrelacs d’histoires, le ton n’est pas évident, et ce n’est pas attribuable aux brusques passages chaud-froid (humour slapstick et drame), mais à la prétention de vouloir, avec le plus grand sérieux, peindre ses semblables dans le temps qui passe. C’est le sujet le plus difficile, et ici, on dirait parfois un tableau pompier. Certes, Blanc ne manque pas de souffle et le couple Podalydès-Viard a de la trempe. C’est un bon directeur d’acteurs. Il raconte avec humour les difficultés techniques de mise à niveau, entre un Dutronc qui joue les "faux dilettantes", une Karin Viard qu’il faut empêcher de répéter et une Carole Bouquet qui déstabilise son partenaire (Blanc, le mari jaloux) par la justesse de ses scènes de colère… Une scène d’amour entre un jeune homme qui n’a jamais vu une caméra (Gaspard Ulliel) et une star confirmée (Charlotte Rampling) peut alors prendre une journée d’approche. Reste que le tableau est énorme, qu’on en montre plus qu’on en laisse deviner, tuant la finesse de certains états d’âme. Moins cinglant que Grosse fatigue, Embrassez qui vous voudrez est une ode aux acteurs: à la fois fasciné et respectueux, Michel Blanc les guide avec la fantaisie du désespoir.

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