Des hommes de passage : Drôle d'endroit pour une rencontre
Cinéma

Des hommes de passage : Drôle d’endroit pour une rencontre

On pourrait parler du film, et on en dirait forcément du bien: Des hommes de passage, de Bruno Boulianne (Aviature), est un documentaire sur l’émission radiophonique Souverains anonymes, orchestrée à partir de la prison de Bordeaux depuis 1989 par Mohamed Lotfi et diffusée sur CIBL. Huit mille détenus ont déjà pris la parole, et des invités de marque sont venus répondre aux questions de ces hommes qui sont libres quelques heures par semaine rien qu’avec les mots, dans la poésie, la chanson, et la discussion. Ils se refont une santé dans ce studio.

On pourrait parler du film, et on en dirait forcément du bien: Des hommes de passage, de Bruno Boulianne (Aviature), est un documentaire sur l’émission radiophonique Souverains anonymes, orchestrée à partir de la prison de Bordeaux depuis 1989 par Mohamed Lotfi et diffusée sur CIBL. Huit mille détenus ont déjà pris la parole, et des invités de marque sont venus répondre aux questions de ces hommes qui sont libres quelques heures par semaine rien qu’avec les mots, dans la poésie, la chanson, et la discussion. Ils se refont une santé dans ce studio. Malgré les crimes, les sentences et les préjugés. Loin du machisme carcéral au cinéma, on est dans l’intelligence du rapport humain. C’est émouvant, bien sûr, quand un homme offre un poème à sa mère, ou parle de sa fille, ou de la naissance de son deuxième. Et l’analyse du silence sort avec plus de détachement vrai de la bouche d’un détenu qu’un discours sur la force des mots de celle de Wajdi Mouawad, grand habitué des mots, un invité de Souverains anonymes. Bref, on en sort avec du respect et de l’admiration pour ce genre d’entreprise. Quelle que soit la forme filmée ou radiodiffusée de la chose.

Mais on pourrait aussi évoquer le contexte, dont on ne parle jamais. Pour une fois, un visionnement de presse a fait ressortir le poids d’un film dans son milieu. On sent parfois la fierté des participants à un film, mais rarement autant d’importance vitale. Les journalistes ont été conviés à une projection à Bordeaux, au milieu des protagonistes du film, dans la salle surchauffée des Souverains anonymes. Sur les chaises de devant, il y avait la directrice de l’établissement, le ministre Serge Ménard, récidiviste au ministère de la Sécurité publique, et un sous-ministre. Derrière se trouvaient l’aumônier, le producteur de l’ONF, et quelques gardiens. Entre les deux, des prisonniers, des Haïtiens tout jeunes et des Blancs tatoués, des photographes et des journaleux. Plusieurs interventions au micro 0nt encadré cette projection, des lettres ouvertes, des remerciements, un poème. Au milieu des accolades, des poignées de main, des rires trop marqués et des sandwichs aux oeufs; au milieu de ce public complètement hétéroclite, il y avait une unité. Elle était créée pour l’événement, bien sûr, mais elle était là; soudée par la fierté des détenus qui ont la parole, par celle de Lotfi et de Boulianne qui la transmettent, et par celle des autorités qui la cautionnent. Ménard n’est pas connu pour la langue de bois, mais qu’un ministre vide son sac avec autant de passion pour parler de l’importance vitale d’un projet tel que les Souverains anonymes, c’est dire combien l’air était respirable.

À l’ONF
Du 26 au 29 novembre