Filles perdues, cheveux gras : La vie chantée des anges
Les Demoiselles de Rochefort à la rescousse des filles paumées de La vie rêvée des anges ou, comme certains l’ont perçu, chaînon manquant entre Buñuel et Almodovar, Filles perdues, cheveux gras est certes une bouffée de fraîcheur, mais par moments, l’entreprise s’avère bancale. Provoquant volontairement le fou rire davantage que la compassion, les mélodrames de ces filles ont des airs de déjà-vu.
Mélo musical clinquant, Filles perdues, cheveux gras donne l’impression d’être l’oeuvre d’un jeune débutant un peu fêlé. Pourtant, Claude Duty, graphiste, tourne des courts métrages depuis 1974 (21 au total) qu’il présente d’un festival à l’autre, en récoltant mentions et prix. Duty avoue que c’est un peu par paresse qu’il a attendu si longtemps pour réaliser un premier long métrage; et l’entreprise lui paraissait utopique, jusqu’à sa rencontre avec le producteur Bernard Levy. En courant les festivals, le "court métragiste" a remarqué la récurrence d’un genre particulier populaire en France, le style "filles perdues, cheveux gras", qualifiant pour lui les films du type Sans toit ni loi, d’Agnès Varda. À l’image de ces films, mais de façon ludique et décalée, voici sa version du genre.
Ces trois filles perdues sont Marianne (Amira Cassar), une intello branchée fréquentant un salaud de propriétaire de galerie d’art (Charles Berling) et qui trouve refuge chez un charmant ethnologue (Sergi Lopez); chagrinée par la disparition de sa chatte, la coiffeuse Natacha (Marina Foïs) carbure à l’alcool en attendant vainement un appel de son amant; et à cause de son sale caractère, Élodie (Olivia Bonamy) vient de perdre son emploi à l’épicerie, et par le fait même la garde de sa fille. Entre quelques chansons chantées sans voix – qu’on se surprend à fredonner à la sortie – et une séquence d’animation disneyenne, les trois grâces se serreront les coudes jusqu’à la finale en forme de gros clin d’oeil aux pubs de Barbie.
Les Demoiselles de Rochefort à la rescousse des filles paumées de La vie rêvée des anges ou, comme certains l’ont perçu, chaînon manquant entre Buñuel et Almodovar, Filles perdues, cheveux gras est certes une bouffée de fraîcheur, mais par moments, l’entreprise s’avère bancale. Provoquant volontairement le fou rire davantage que la compassion, les mélodrames de ces filles ont des airs de déjà-vu. Le personnage de Marianne est mal défini, tout autant que les manigances de son amant. Les chansons de Valmont et Dominique-Pierre Burgaud sonnent comme des gingles plutôt que des chansons de Gainsbourg, comme l’avait demandé Duty. Sans parler des chorégraphies brouillonnes de Chloé Ban. Le réalisateur, qui vient de terminer une "comédie estivale" avec Marina Foïs et Philippe Harel, affirme modestement qu’il n’a pas voulu tourner un drame sombre, ni une vraie comédie musicale, car d’autres l’ont fait bien mieux que lui. Il ne prétend surtout pas suivre les traces de Demy et de Resnais (On connaît la chanson), ou plus récemment d’Ozon (8 femmes). En fait, son inspiration vient des comédies musicales américaines des années 60, les My Fair Lady et West Side Story. Ainsi, l’hilarante Marina Foïs, qui éclipse ses compagnes, chantant son bonheur en pensant aux Kurdes et aux Tchétchènes est une version grinçante (et bourrée) de Julie Andrews dans The Sound of Music qui, autres temps, autres moeurs, songeait aux morsures de chien et aux piqûres d’abeille pour se réconforter…
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