La Main invisible : L'état des choses
Cinéma

La Main invisible : L’état des choses

Un documentaire, c’est comme une cloche de rappel. On ne se surprend pas de noter que les films qui nous parviennent, dressent, bon an, mal an, un constat souvent identique: celui de la société à améliorer. Présenté dans le cadre des Rencontres du documentaire, et maintenant en salle, le sujet de La Main invisible, de Sylvain L’Espérance, déroute, car il faut attendre la toute fin pour vraiment saisir le propos. Qu’importe, le film est finement joué. De prime abord, on parle de la Guinée comme étant le principal exportateur de ce minerai rouge qu’est la bauxite, entrant dans la fabrication de l’aluminium, que réclament les pays industrialisés.

Un documentaire, c’est comme une cloche de rappel. On ne se surprend pas de noter que les films qui nous parviennent, dressent, bon an, mal an, un constat souvent identique: celui de la société à améliorer. Présenté dans le cadre des Rencontres du documentaire, et maintenant en salle, le sujet de La Main invisible, de Sylvain L’Espérance, déroute, car il faut attendre la toute fin pour vraiment saisir le propos. Qu’importe, le film est finement joué. De prime abord, on parle de la Guinée comme étant le principal exportateur de ce minerai rouge qu’est la bauxite, entrant dans la fabrication de l’aluminium, que réclament les pays industrialisés. Puis, sans liens véritables, le cinéaste se penche sur une troupe de danse, Soleil d’Afrique, filmant leurs témoignages et leurs répétitions, aux percussions endiablées, moments syncopés envahis d’une force vitale très expressive. Finalement, on assiste à la confection artisanale de plusieurs objets, marmites, bijoux, vêtements et portes forgées. Tous sont réalisés avec les moyens du bord, souvent très rudimentaires, donnant travail et fierté aux villageois.

L’Espérance capte l’essence des gestes quotidiens menant à la fabrication des biens, et les dote d’une poésie empanachée de savoir-faire sans jamais tomber dans la didactique explicative. Pas de voix off dans ce film, pas de complaisance ni d’apitoiement. Il nous convoque à regarder comment les Guinéens composent avec leur réalité, et comment cette dernière se démarque de la nôtre. Épisodiquement, on suit le parcours de la bauxite, de la mine par voie ferrée, puis par bateau jusqu’à nos ports. Sans une explication. Cela donne de longs plans qui dilatent le temps, rendant presque onirique ce trajet, surtout quand la végétation avoisinant les rails est rougie de poudre. Durant tout le film, on ne voit que des Noirs, proches de leur boulot et de leurs envies, mais aucun Blanc; loin de la "matière", loin du désir de faire. Et, sans jamais le dire, le cinéaste nous laisse croire que l’échange commercial de cette matière première est loin d’être équitable. L’ironie va jusqu’à cet ouvrier qui déclare que l’aluminium requis pour son travail reste difficile à dénicher et provient de canettes de boissons gazeuses.

Le titre fait référence au concept du même nom (conçu au 18e siècle par Adam Smith) où l’économie, libre des contrôles de l’État, devrait répartir les richesses également. Il y a encore du chemin à faire.

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